Lors de la présentation du nouvel administrateur communal de Cibitoke, le 24 septembre 2025, le président Évariste Ndayishimiye a affirmé que les travailleurs domestiques sont « les plus riches du pays ». Entre avantages en nature et réalité salariale, cette déclaration mérite d’être examinée de près.
Selon le chef de l’État, les domestiques profitent d’avantages tels que le logement, l’eau, l’électricité et des repas gratuits, ce qui les placerait dans une meilleure situation que la majorité des Burundais. Derrière cette affirmation, l’intention semble être de valoriser un secteur souvent invisible. Mais la réalité économique vient nuancer ce discours.
Salaires et conditions de travail : un contraste frappant
Les données du Collectif des associations des travailleurs domestiques et des employeurs du Burundi (CATDE) montrent que la rémunération de ces travailleurs reste très faible. Dans les quartiers modestes et intermédiaires, un domestique gagne généralement entre 30 000 et 70 000 francs burundais par mois. Dans les quartiers plus aisés, ce montant peut dépasser 100 000 francs, mais ces cas restent minoritaires.
La Confédération Syndicale du Burundi (COSYBU) rappelle que le salaire minimum interprofessionnel garanti (SMIG) n’a pas été révisé depuis les années 1980 : il demeure fixé à 160 francs burundais, alors que l’inflation projetée pour 2024-2025 se situe entre 40 et 45 %. Cette absence de revenus suffisants empêche toute réelle capacité d’épargne et maintient les travailleurs domestiques dans une grande précarité.
Quant aux avantages en nature souvent mis en avant, ils créent surtout une dépendance totale à l’employeur. Les journées de 12 à 16 heures de travail, souvent sans repos hebdomadaire, limitent l’accès à l’éducation et à d’autres opportunités, entravant ainsi toute mobilité sociale.
Précarité masquée : un discours trompeur
Pour Alexis Nimubona, chargé de communication à l’Observatoire de Lutte contre la Corruption et les Malversations Économiques (OLUCOME), les propos présidentiels relèvent davantage d’un langage politique que d’une description fidèle des faits.
« Ces messages sont parfois comparables à de la poudre aux yeux et trompent les citoyens les plus modestes », estime-t-il.
En réalité, les domestiques figurent parmi les catégories les plus vulnérables du pays. L’absence de contrat formel et de protection sociale, combinée à des conditions de travail éprouvantes, contraste fortement avec l’idée de richesse avancée par le Président.
Richesse apparente ou précarité réelle
Présenter les travailleurs domestiques comme « les plus riches du pays » ne résiste pas à l’analyse. Derrière des avantages en nature souvent précaires se cachent de faibles salaires, aucune sécurité sociale et une dépendance structurelle à leurs employeurs. Les journées de travail très longues et le manque de perspectives renforcent leur vulnérabilité.
Si cette déclaration présidentielle peut être interprétée comme une tentative de reconnaissance symbolique, elle ne reflète pas la réalité économique de ce groupe social et doit être considérée comme partiellement fausse.
Conclusion
Non, les travailleurs domestiques burundais ne sont pas « les plus riches du pays ». Les avantages en nature ne compensent ni les bas salaires, ni l’absence de protection sociale, ni les conditions de travail souvent pénibles. La richesse évoquée par le président est avant tout symbolique, et non matérielle.
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Photo : Le président Évariste Ndayishimiye qui a affirmé que les travailleurs domestiques sont « les plus riches du pays » © DR