L’Office burundais des recettes (OBR) place de grands espoirs dans les machines à facturation électronique (MFE) pour accroître les recettes fiscales. Mais ces outils suffisent-ils à eux seuls pour combler les failles du système ? Les économistes restent prudents : selon eux, la technologie n’aura d’impact réel que si elle s’accompagne de réformes plus larges.
Depuis le 28 août jusqu’au 5 septembre 2025, l’OBR mène une campagne d’encadrement pour familiariser les contribuables à l’utilisation des MFE. Lors d’un point de presse tenu le 2 septembre 2025, Ferdinand Nitunga, Commissaire ad intérim chargé des taxes internes et recettes non fiscales, a expliqué que ces machines permettront de réduire les litiges récurrents entre l’OBR et les commerçants.
Elles devraient aussi aider les contribuables à mieux gérer leurs stocks. Même constat du côté du porte-parole de l’OBR, Stany Ngendakumana, qui souligne les gains attendus en transparence et rapidité des transactions. La numérisation complète des opérations commerciales, selon lui, mettra fin aux divergences sur les déclarations fiscales.
Un manque à gagner colossal
Dès juillet 2025, l’ancien ministre des Finances et actuel Premier ministre, Nestor Ntahontuye, tirait la sonnette d’alarme :
« L’État accuse un manque à gagner de 1 600 milliards de BIF à cause de la non-utilisation des machines de facturation électronique. »
Selon lui, la mise en service de 3 000 MFE a déjà permis une hausse de plus de 30 % de la TVA. Or, la TVA représente près d’un quart des recettes fiscales de l’État, soit entre 400 et 500 milliards de BIF.
Pourtant, la législation est claire. L’article 47 de la loi n°1/10 du 16 novembre 2020 impose aux contribuables assujettis à la TVA d’utiliser une MFE agréée par l’Administration fiscale. L’article 55 précise que tout contrevenant risque une amende équivalente à 100 % de la TVA éludée, portée à 200 % en cas de récidive. Malgré cela, les 1 600 milliards évoqués posent une question : où disparaît cet argent ?
Les freins à la mobilisation des recettes
Pour Faustin Ndikumana, directeur exécutif de Parcem, la faible efficacité des MFE s’explique par des facteurs structurels :
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un climat des affaires peu favorable,
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des infrastructures déficientes,
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le manque de carburant et de moyens de transport,
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des failles dans le système judiciaire,
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des exonérations abusives,
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le détournement de fonds au sommet de l’État,
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et les conflits d’intérêts.
Il accuse en particulier certains hauts responsables, devenus de véritables commerçants, de s’affranchir des obligations fiscales. Conséquence : une baisse des recettes et un climat défavorable aux investissements étrangers.
Même analyse de l’économiste Jean Ndenzako. Selon lui, les MFE seules ne suffiront pas :
« Des études sur les systèmes fiscaux numériques montrent que leur réussite dépend d’une réforme institutionnelle plus large, incluant une meilleure transparence et une lutte renforcée contre la corruption. »
Pourquoi l’adoption reste timide
Pour Ndenzako, la résistance des commerçants s’explique par plusieurs facteurs :
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des coûts initiaux élevés (achat de matériel, formation), décourageants pour les petites entreprises ;
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des complicités entre commerçants et agents de l’OBR, qui facilitent les contournements ;
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une méfiance persistante envers un système fiscal jugé inéquitable, alimentée par la corruption et l’impunité.
Un outil utile mais insuffisant
Les économistes s’accordent : les MFE représentent une avancée technologique majeure pour la gestion fiscale. Mais leur efficacité restera limitée sans réformes politiques et institutionnelles profondes. L’application rigoureuse des sanctions prévues par la loi, notamment contre les grands commerçants, est un point de départ essentiel.
En d’autres termes, la technologie seule ne suffira pas. Pour que les MFE deviennent un véritable levier de mobilisation des ressources, elles devront s’intégrer dans une stratégie globale de modernisation et d’assainissement des finances publiques.
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Photo : Une machine à facturation électronique (MFE), outil phare de l’OBR pour renforcer la collecte des recettes fiscales. © DR