Après la publication du rapport d’Amnesty International, la porte-parole du président de la République du Burundi, Rosine Guilene Gatoni, a qualifié le rapport d’obsolète et les accusations d’infondées et fallacieuses. Pour Maître Dieudonné Bashirahishize, défenseur des droits de l’homme et ancien vice-président de l’Association des Barreaux de l’Afrique de l’Est, les faits sont têtus.
Quel est votre commentaire sur les propos de la porte-parole du président Evariste Ndayishimiye ?
La grande erreur des régimes répressifs est de se persuader à tort qu’ils peuvent berner le monde entier, violer impunément les droits civils, politiques et socio-économiques à l’insu de leurs victimes et de la communauté internationale. Les faits sont têtus et il n’y a pas de fumée sans feu ! La porte-parole de la présidence peut tenter de maquiller les crimes du régime, nier l’évidence, mais elle ne ramènera pas à la vie les centaines de fils et filles du pays tués ou portés disparus sous le régime qu’elle sert aveuglément.
D’après elle, il y a eu des avancées en matière des droits de l’homme sous la présidence d’Evariste Ndayishimiye. Votre commentaire ?
Quand elle dit que sous le régime de Ndayishimiye la justice a regagné ses lettres de noblesse, a-t-elle oublié les centaines de personnes emprisonnées arbitrairement sans procès ou après avoir été acquittées ou relâchées par certaines juridictions ? Aurait-elle oublié les paroles du Président Ndayishimiye pleurnichant devant les juges et magistrats en les accusant d’être à la source des principaux maux que vit le pays en raison notamment des décisions iniques et de la corruption chronique qui caractérise le pouvoir judiciaire ? A-t-elle oublié que c’est sous le régime du président Ndayishimiye que 12 défenseurs des droits de l’homme et des opposants politiques ont été condamnés in absentia (en février 2021) à perpétuité simplement parce qu’ils avaient exprimé leur opposition au 3ème mandat du Président Pierre Nkurunziza, lequel mandat sera jugé plus tard comme étant illégal par la Cour de justice de l’Afrique de l’Est.
Quid de l’espace politique ?
A-t-elle oublié que son régime a toujours été marqué par le verrouillage de l’espace politique avec comme dernier fait l’élimination du principal parti de l’opposition pour que le simulacre d’élections prévues en 2025 et 2027 se fasse sans réelle compétition ? A-t-elle oublié que plus de 250.000 Burundais croupissent toujours dans des camps de réfugiés de peur de rentrer dans un pays quadrillé par la milice Imbonerakure qui malmène et tue les opposants en toute impunité tout en continuant à bénéficier d’une formation paramilitaire dans plusieurs coins du pays ? Croît-elle vraiment que les Burundais ont oublié les propos du président de la République dénonçant son entourage composé d’auteurs de détournements de fonds publics qui sont parmi les facteurs de la misère sans nom qui sévit au Burundi ?
À vous entendre, elle fait diversion ?
En peu de mots, la porte-parole peut s’enfermer dans sa bulle et refuser de voir la réalité en face, mais ce serait une grande erreur de croire que le peuple burundais est dupe. Si elle croit vraiment ce qu’elle dit, le gouvernement serait atteint par une cécité politique qui pourrait lui être fatale. Je peux clore ma contribution en rappelant au régime cet adage des anciens selon lequel « Uburundi bugona buri maso » (C’est quand on croit que le Burundi dort profondément qu’il veille discrètement avec plus d’attention).