Au Burundi, les nouveaux députés, sénateurs et ministres ont pris leurs fonctions sans avoir déclaré leur patrimoine, en violation flagrante de la Constitution et des lois anti-corruption. Ce manquement fragilise les mécanismes de transparence et relance le débat sur la crédibilité des engagements des dignitaires burundais face à la corruption.
Le 28 juillet 2025, l’Assemblée nationale a entamé sa première session, suivie par le Sénat le 1er août. Dans la foulée, un nouveau gouvernement a été formé : le 5 août, le président Évariste Ndayishimiye a nommé Nestor Ntahontuye Premier ministre, et dès le 6 août, un cabinet réduit à treize ministres a été dévoilé. Le 7 août, l’équipe gouvernementale a prêté serment. Mais aucune de ces autorités n’a procédé à la déclaration de patrimoine exigée par la loi.
Une obligation inscrite dans la Constitution
La Constitution burundaise de 2018 est claire : l’article 151 impose aux membres de l’exécutif et aux agents de l’administration de déclarer leurs biens pour favoriser la transparence et lutter contre la corruption. L’article 95 précise que le Président, le Vice-Président, le Premier ministre et les ministres doivent adresser à la Cour suprême une déclaration écrite et signée de leurs avoirs.
Cette obligation est renforcée par la loi n°01/12 du 18 avril 2006, qui impose aux hauts fonctionnaires de déclarer non seulement leurs propres biens, mais aussi ceux de leurs conjoints et de leurs enfants mineurs, qu’ils en soient propriétaires, utilisateurs ou détenteurs habituels. La déclaration doit être déposée dans le mois suivant la prise ou la fin de fonction. L’objectif est clair : détecter d’éventuels enrichissements illicites et renforcer la confiance des citoyens dans les institutions.
Pourtant, cette disposition reste largement théorique. Aucun mécanisme de contrôle ou de suivi rigoureux n’a jamais été mis en place, et les nouvelles autorités ont, une fois de plus, pris leurs fonctions sans s’y conformer.
Un revirement présidentiel en 2020
Lors de son arrivée au pouvoir en 2020, le président Évariste Ndayishimiye avait promis que les membres de son gouvernement déclareraient leurs biens dans un délai de trois semaines. Mais, quelques mois plus tard, en décembre de la même année, il a reconnu publiquement les limites de cette promesse. Selon lui, le processus était trop long et complexe, certains responsables étant « très riches », le recensement de leurs biens pouvant prendre plus de deux semaines. Il avait alors précisé que seuls ceux présentant des signes évidents d’enrichissement illicite pourraient être tenus de rendre des comptes à la fin de leur mandat.
Cette position avait suscité l’inquiétude et la critique, puisqu’elle affaiblissait l’application stricte de l’article 95 de la Constitution et de la loi anti-corruption.
Les appels ignorés de la société civile
L’Observatoire de Lutte contre la Corruption et les Malversations Économiques (OLUCOME) avait, dès juillet 2020, interpellé le chef de l’État pour lui demander de faire appliquer la loi. Sans déclaration de patrimoine, rappelait l’organisation, « il est impossible de lutter contre les infractions d’enrichissement illicite, de trafic d’influence, de blanchiment d’argent, de favoritisme et de prise illégale d’intérêts ».
Ces avertissements n’ont jamais été suivis d’effets. Aujourd’hui, l’absence persistante de déclarations fragilise encore davantage la lutte contre la corruption, dans un pays classé 165e sur 180 dans l’Indice de Perception de la Corruption de Transparency International en 2024.
Un signal négatif pour la transparence
En refusant de se soumettre à une exigence pourtant claire et inscrite dans la Constitution, les parlementaires et ministres burundais envoient un signal préoccupant : la lutte contre la corruption reste davantage un discours qu’une pratique. Ce manquement systématique mine les mécanismes de redevabilité et entretient une culture d’impunité, au détriment de la confiance des citoyens et de l’image du pays sur la scène internationale.
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Photo : Cliché officiel du gouvernement récemment installé au Burundi © DR