Alors que le Secrétaire général du CNDD-FDD vante l’« exemplarité » des jeunes Imbonerakure, présentés comme un modèle envié à l’international, les rapports des organisations locales et internationales dressent un tableau tout autre. Loin d’incarner une réussite en matière de cohésion sociale, cette ligue de jeunes du parti au pouvoir est régulièrement accusée d’actes de répression, d’intimidation et de violations des droits humains.
Lors d’une conférence de presse animée depuis Ngozi le 23 août 2025, le Secrétaire général du CNDD-FDD, Révérien Ndikuriyo, a vanté le comportement des Imbonerakure, affirmant qu’ils sont devenus une référence pour d’autres pays.
« Certains pays restent curieux de savoir comment on a fait pour une organisation réussie de la Ligue de nos jeunes Imbonerakure. D’ailleurs, ils souhaitent dépêcher des équipes pour un voyage d’écoles auprès des Imbonerakure pour leur comportement exemplaire », a-t-il déclaré.
Réagissant aux inquiétudes des journalistes concernant l’endoctrinement des enfants du parti, surnommés ibiswi vy’ikona (les aiglons, symbole de l’aigle du CNDD-FDD), Ndikuriyo a assuré que son parti préparait « une nouvelle génération de leaders ».
« Nos jeunes doivent être imprégnés de bonnes valeurs d’humanité au-delà des considérations idéologiques », a-t-il insisté.
Une image écornée par les faits
Ces déclarations contrastent fortement avec la réalité rapportée sur le terrain. Les Imbonerakure sont accusés par plusieurs organisations internationales de semer la terreur, de pourchasser les opposants politiques et de recourir à des violences physiques pour museler les voix dissidentes.
L’ONU les a déjà qualifiés de « milice » en raison de leurs activités paramilitaires. Dans une déclaration conjointe, le Centre Raoul Wallenberg pour les droits de la personne et SOS-Torture/Burundi soulignaient :
« Depuis le lancement de la campagne électorale, plusieurs partis de l’opposition dénoncent des actes d’intimidation, d’agressions physiques et de harcèlement attribués aux jeunes affiliés au parti au pouvoir. »
Une accalmie fragile
Selon Human Rights Watch, l’arrivée au pouvoir d’Évariste Ndayishimiye avait suscité un certain espoir. Le président avait tenté de limiter l’implication des Imbonerakure dans des abus. Mais l’ONG relève que ces jeunes ont continué à procéder à des arrestations arbitraires, à battre ou même à éliminer des opposants présumés, souvent avec l’appui d’agents de l’administration, de la police ou du Service national de renseignement (SNR).
La presse locale a également documenté plusieurs cas de violations lors des veilles électorales, évoquant des patrouilles nocturnes d’Imbonerakure armés de talkies-walkies. Des témoins rapportent que des passants tombés sur ces groupes ont été roués de coups et dépouillés de leurs biens.
Même sur les réseaux sociaux, leur réputation est marquée : une recherche du terme « Imbonerakure » sur Facebook aboutit à ce message automatique :
« Cette recherche peut être associée à des activités violentes, haineuses et criminelles. »
L’ONU tire la sonnette d’alarme
Le rapporteur spécial des Nations Unies pour le Burundi, Fortuné Gaétan Zongo, décrit régulièrement une situation alarmante, malgré le refus du gouvernement de coopérer. Dans un rapport présenté au Conseil des droits de l’homme, il a dénoncé :
« L’État continue systématiquement à exercer un contrôle sur le SNR et la milice des Imbonerakure qui assiste, complète ou remplace les forces de sécurité dans certaines localités. »
Selon lui, ces jeunes disposent d’un véritable blanc-seing pour terroriser la population, procéder à des arrestations arbitraires, intimider ou faire disparaître des opposants présumés.
Une société civile en alerte
Plus de 40 organisations de la société civile ont adressé une lettre conjointe au Conseil des droits de l’homme de l’ONU, pointant la responsabilité du CNDD-FDD et de sa ligue de jeunes dans des actes d’intimidation, de harcèlement et de menaces. Elles évoquent également la militarisation de cette jeunesse, dans le contexte des tensions armées à l’est de la République démocratique du Congo.
Elles formulent plusieurs recommandations :
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renforcer l’appui international au Burundi en matière de droits humains et d’État de droit ;
-
proroger le mandat du Rapporteur spécial des Nations Unies ;
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engager un dialogue national inclusif, perçu comme la seule voie vers une paix durable.
Verdict
Non. Contrairement aux affirmations du Secrétaire général du CNDD-FDD, les Imbonerakure ne constituent pas un modèle pour d’autres pays. Leur implication dans des actes de violence, d’intimidation et de répression politique est documentée par de multiples rapports indépendants.
Conclusion
L’implication des Imbonerakure dans des tâches sécuritaires normalement réservées aux forces de l’ordre reste un sujet de vives préoccupations. Loin de représenter un modèle à exporter, cette instrumentalisation politique de la jeunesse continue d’alimenter la peur et de restreindre l’espace civique au Burundi. Pour beaucoup d’observateurs, elle illustre surtout une stratégie du parti au pouvoir visant à museler l’opposition et à maintenir un climat de terreur.
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Photo : Des membres de la ligue des jeunes Imbonerakure défilent lors d’un meeting du CNDD-FDD