Le 4 juin 2025, Washington a annoncé la suspension de l’octroi de certains types de visas aux ressortissants burundais. La décision, officiellement appliquée par l’ambassade américaine à Bujumbura début août, suscite de nombreuses interrogations : qui est concerné, pour quelles raisons et avec quelles conséquences ? Un assouplissement reste-t-il envisageable ? Décryptage.
Au total, 19 pays sont concernés par cette mesure présidentielle américaine. Les motifs invoqués varient : pour certains, il s’agit de raisons de sécurité nationale ; pour d’autres, comme le Burundi, il est question de dépassements de séjour (« overstay »).
Le cas spécifique du Burundi
L’article 3 de la proclamation présidentielle signée par Donald Trump cite explicitement le Burundi parmi les pays dont l’entrée est partiellement suspendue pour cause de dépassement de séjour. Selon Washington, ces infractions « alourdissent la charge des services d’immigration et aggravent les risques pour la sécurité nationale et publique ».
Les chiffres avancés sont significatifs :
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15,35 % de dépassements pour les visas B-1/B-2 (affaires et tourisme)
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17,52 % pour les visas étudiants et d’échange (F, M et J)
En clair, environ un voyageur burundais sur six dépasse la durée autorisée de séjour aux États-Unis.
Les catégories de visas suspendues
Les Burundais ne peuvent plus obtenir :
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B-1 (affaires) : réunions, négociations, conférences sans activité rémunérée.
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B-2 (tourisme) : vacances, visites familiales, soins médicaux, événements sociaux…
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B-1/B-2 (mixte affaires/tourisme)
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F : études universitaires, lycées, cours de langue…
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M : études dans des écoles professionnelles ou techniques.
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J : échanges culturels ou éducatifs (stagiaires, chercheurs, professeurs visiteurs, au pair).
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Tous les visas immigrants (permanents), incluant les demandes de green card.
Les visas toujours accessibles
Cette suspension ne s’applique pas à toutes les catégories. Selon le Secrétaire permanent du ministère burundais des Relations extérieures, les Burundais peuvent toujours demander certains visas non-immigrants, tels que :
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H-1B : travailleurs hautement qualifiés.
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H-2B : travailleurs saisonniers non agricoles.
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L : transferts intra-entreprise.
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O : compétences extraordinaires (sciences, arts, sport…).
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P : artistes, sportifs, groupes culturels.
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R : religieux.
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A/G : diplomates et fonctionnaires d’organisations internationales.
Ces demandes restent toutefois soumises à un examen consulaire strict, et la durée de validité peut être réduite selon les instructions américaines.
Conséquences économiques, académiques et diplomatiques
En 2024, environ 9 500 Burundais se sont rendus aux États-Unis (toutes catégories de visas confondues). Si l’impact global reste à mesurer, les étudiants figurent parmi les premiers touchés.
De nombreux programmes de formation secondaire ou universitaire au Burundi préparent leurs lauréats à décrocher des bourses d’études aux États-Unis. Ces opportunités se voient désormais limitées.
Les jeunes engagés dans des programmes de perfectionnement professionnel, comme le Humphrey Fellowship ou le Mandela Washington Fellowship, sont également affectés.
La suspension des visas immigrants bloque en parallèle toute nouvelle obtention de green card depuis le Burundi, réduisant les possibilités de migration légale.
Sur le plan diplomatique, cette décision envoie un signal défavorable sur l’état des relations entre Washington et Gitega.
Vers un assouplissement ?
En juin, avant même la confirmation officielle par l’ambassade américaine, le ministère burundais des Relations extérieures avait indiqué que des discussions étaient en cours pour obtenir un allègement. Mais depuis, la mesure est entrée en vigueur et aucune date de fin n’a été annoncée.
Au contraire, l’administration Trump pourrait envisager de durcir les restrictions, en imposant par exemple une caution pouvant aller jusqu’à 15 000 USD aux voyageurs burundais, afin de garantir leur retour à temps. Une exigence qui, dans les faits, exclurait la majorité des demandeurs.
Conclusion
Présentée comme une réponse à des dépassements de séjour jugés excessifs, cette suspension de visas freine les échanges académiques, professionnels et culturels entre le Burundi et les États-Unis. Elle pourrait accentuer le fossé diplomatique entre les deux pays.
Pour espérer un allègement, le gouvernement burundais — et particulièrement le nouveau ministre des Affaires étrangères — devra engager un dialogue direct avec Washington et proposer des mesures concrètes pour réduire les dépassements, sans pour autant pénaliser la mobilité des Burundais.
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Photo : Vue à l’intérieur des bâtiments de l’ambassade des États-Unis au Burundi © DR