Alors que la Tanzanie affirme que le retour des réfugiés burundais reste volontaire, des témoignages venus des camps dénoncent des mesures de plus en plus contraignantes : fermetures d’écoles, restrictions religieuses, réduction de l’aide humanitaire et menaces directes des autorités. Ces signaux contradictoires posent une question urgente : assiste-t-on à un rapatriement forcé déguisé ?
Au camp de Nyarugusu, les écoles maternelles et secondaires ont cessé leurs activités sur ordre de l’administration. Les enseignants et élèves ont été sommés de quitter les salles de classe, sans qu’aucune explication ni date de reprise ne leur soit donnée. À Nduta, le « Lycée d’espoir » a été fermé et scellé par cadenas après une décision de l’administration locale. Les élèves ont été renvoyés chez eux et les clés de l’établissement remises aux autorités. Les écoles primaires restent encore ouvertes, mais des sources internes indiquent qu’elles fermeront d’ici décembre, privant les enfants de toute possibilité d’éducation.
L’aide humanitaire connaît également une réduction notable. La fourniture d’eau assurée par le Conseil norvégien pour les réfugiés a été suspendue. Les ONG médicales, telles qu’IRC et Médecins sans frontières, diminuent leurs activités. MSF a d’ailleurs annoncé son retrait complet pour décembre, transférant ses patients à la Croix-Rouge et aux hôpitaux publics. Cette réduction entraîne déjà des conséquences visibles, notamment une augmentation des maladies sexuellement transmissibles, une hausse des grossesses non désirées et une recrudescence des décès.
Un rapatriement forcé présenté comme un ordre irrévocable
Les déclarations des autorités tanzaniennes confirment cette orientation. Rajabu Kanani, responsable des opérations, a affirmé lors d’une rencontre avec des responsables religieux que le rapatriement forcé constituait « un ordre irrévocable ». Il a précisé que les réfugiés n’auraient plus l’occasion d’emporter leurs biens, évoquant l’exemple des rwandais en 2012, et a exclu toute possibilité de réinstallation dans un pays tiers ou de naturalisation tanzanienne. Selon lui, la seule option envisageable reste le retour au Burundi.
La position officielle : un rapatriement volontaire et conforme aux normes internationales
Le gouvernement tanzanien, de son côté, insiste sur le fait que tout rapatriement doit se dérouler sur une base volontaire, conformément à l’accord tripartite signé avec le Burundi et le Haut-Commissariat des Nations Unies pour les réfugiés. Le HCR rappelle que la Convention de 1951, dans son article 33, interdit le refoulement d’un réfugié vers un pays où sa vie ou sa liberté serait menacée et souligne que toute solution durable doit être sûre et digne.
Entre discours officiel et réalité coercitive : un retour volontaire difficilement crédible
Les faits confirment la fermeture d’écoles, la réduction des services humanitaires et la restriction de la vie religieuse. Les propos tenus par des responsables militaires tanzaniens mentionnent explicitement un rapatriement forcé. Toutefois, cette réalité entre en contradiction avec le discours officiel qui continue de parler de retours volontaires. Dans la pratique, les fermetures d’écoles, la coupure d’eau, la réduction des soins et les menaces publiques créent une pression insoutenable qui prive les réfugiés de toute alternative crédible. L’argument d’un retour volontaire apparaît donc difficilement défendable.
Verdict
Oui, un processus de rapatriement forcé est en cours. Officiellement, la Tanzanie parle de retours volontaires, mais les faits observés dans les camps, fermetures d’écoles, coupures d’aide humanitaire, restrictions religieuses et propos menaçants des autorités, démontrent une politique coercitive. Ces pratiques violent le principe de non-refoulement inscrit dans la Convention de 1951 et exposent les réfugiés burundais à des risques graves.
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Photo : Camp de réfugiés de Nyarugusu. Entre fermetures d’écoles, réduction de l’aide et pressions administratives, de nombreux réfugiés disent ne plus avoir d’autre choix que de rentrer. © DR