Alors que le Burundi entre en pleine campagne électorale, le président Évariste Ndayishimiye et les candidats du CNDD-FDD multiplient les promesses ambitieuses. Entre distributions d’argent, projets ferroviaires et modernisation urbaine, leurs engagements suscitent autant d’espoirs que de scepticisme. Qu’en est-il réellement ? Burundi Facts a vérifié les principales déclarations.
1. Le “One Million Project” : Une promesse de campagne difficilement tenable
Le président Ndayishimiye a annoncé que chaque citoyen burundais recevrait un million de francs burundais dans un délai de deux ans. Une promesse qui fait rêver, mais qui ne repose sur aucune base budgétaire claire.
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État des finances publiques : Le Burundi affiche un taux de pauvreté supérieur à 60 %, un PIB faible et une dette publique croissante.
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Financement flou : Aucun document officiel ni loi de finances ne détaille la provenance des fonds pour une telle distribution.
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Risques économiques : Des économistes nationaux interrogés évoquent le risque d’inflation galopante et d’une perte de valeur accrue du BIF si la promesse venait à être mise en œuvre sans réforme parallèle.
Verdict : Aucune preuve concrète n’accrédite la faisabilité de ce projet. Promesse non fondée.
2. Chemin de fer Burundi-Tanzanie : De l’ambition à la réalité
Ce projet de liaison ferroviaire a été relancé par le président comme un futur pilier du commerce régional. Pourtant :
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Stade actuel : Seules des études de faisabilité ont été annoncées ; aucun chantier n’a démarré.
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Coût estimé : Plusieurs centaines de millions de dollars seraient nécessaires, dans un pays sans budget d’investissement suffisant.
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Attractivité réduite : Le Burundi peine à attirer les investisseurs étrangers, en raison d’un climat des affaires jugé peu favorable.
Verdict : Projet non encore lancé et sans financement sécurisé. Promesse prématurée.
3. Des tramways à Bujumbura ? Une promesse sans planification
L’annonce de tramways dans la capitale économique fait écho à une vision futuriste, mais sans support technique ou logistique identifiable :
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Infrastructures de base absentes : Manque d’électricité stable, absence de réseau de transport adapté.
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Aucune étude disponible : Ni appel d’offres, ni calendrier, ni budget n’ont été rendus publics.
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Contexte prioritaire : La majorité des citoyens manque encore d’eau potable ou de moyens de transport sûrs.
Verdict : Aucune trace d’un début de planification. Promesse hautement spéculative.
4. “Zéro pauvreté, zéro faim d’ici 5 ans” : Un slogan irréaliste ?
Les candidats du CNDD-FDD affirment pouvoir éradiquer pauvreté et faim en cinq ans. Une promesse répétée dans les meetings, mais difficilement soutenable :
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Données actuelles : Plus de 60 % de la population sous le seuil de pauvreté ; près de 40 % des enfants souffrent de malnutrition chronique (UNICEF).
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Inflation : Le taux dépasse actuellement les 40 %, selon la BRB.
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Corruption : Transparence International classe le Burundi parmi les pays les plus corrompus au monde, ce qui compromet la gestion des aides et investissements.
Verdict : Objectif louable mais irréaliste sans changement structurel profond. Promesse invérifiable à ce jour.
5. Stabilisation du franc burundais : Un engagement bancal
Certains candidats promettent de renforcer la valeur du franc burundais face au dollar. Or :
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Contexte monétaire : Le franc burundais subit une dépréciation constante, aggravée par le déficit commercial.
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Mesures nécessaires : Aucun programme de redressement crédible ni accord avec des bailleurs de fonds n’a été dévoilé.
Verdict : Aucun mécanisme proposé pour atteindre cet objectif. Promesse hautement improbable.
6. Accès généralisé à l’électricité et à l’eau : Défis majeurs ignorés
Les promesses d’accès universel à l’eau potable et à l’électricité sont récurrentes. Cependant :
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Réalité terrain : Selon la Banque mondiale, moins de 12 % des Burundais ont accès à l’électricité.
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Infrastructures délabrées : Fuites d’eau, délestages réguliers, pénuries de carburant.
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Aucun nouveau projet massif lancé en dehors de petits barrages ou mini-centrales.
Verdict : Promesse non soutenue par des projets tangibles à grande échelle.
7. Réforme de l’éducation : Des promesses sans réforme structurelle
Les candidats promettent de doter toutes les écoles primaires en matériel scolaire. Or :
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Situation actuelle : Classes surchargées, manque de manuels, enseignants sous-payés.
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Budget éducation stagné : Moins de 15 % du budget national y est alloué (contre 20 % recommandé par l’UNESCO).
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Aucune stratégie dévoilée pour améliorer les conditions d’apprentissage ou la formation continue.
Verdict : Initiative louable, mais sans feuille de route réaliste.
Contexte socio-économique : Un pays en difficulté
Les promesses doivent être confrontées à la réalité du pays :
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Corruption systémique, selon plusieurs rapports d’ONG internationales ;
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Économie stagnante, déficit chronique de la balance commerciale ;
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Pénuries récurrentes de carburant, électricité, eau, produits de première nécessité ;
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Croissance faible (moins de 2 % selon les prévisions révisées du FMI).
Conclusion : Un scepticisme justifié, des électeurs méfiants
Malgré une rhétorique électorale chargée d’espoir, la plupart des promesses du président Ndayishimiye et des candidats du CNDD-FDD ne s’appuient pas sur des faits vérifiables ni des plans crédibles. Elles s’inscrivent dans une logique de campagne plutôt que dans une dynamique de réforme réelle.
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Photo : Le president Evariste Ndayishimiye sadressant aux gens venus assister au lancement de la campagne electorale