Depuis un certain temps, le président de la République du Burundi, Evariste Ndayishimiye, multiplie les déclarations déplorant que certains de ses collaborateurs nuisent aux initiatives de développement. Pourtant, ces discours récurrents interrogent quant à leur portée réelle. Le 25 octobre dernier, lors de l’inauguration du barrage hydroélectrique Kabura 16 à Murwi, province de Cibitoke, le chef de l’État a une nouvelle fois dénoncé des blocages internes.
« Dès ma prise de fonction, j’espérais que notre premier capital serait l’électricité, mais, à ma surprise, certains de mes collaborateurs, qui devraient être les premiers à comprendre cette nécessité, sont ceux qui boycottent ces projets. À la Regideso, ils ont coupé les générateurs qui devraient produire plus de 5 mégawatts. Le fonds alloué à la construction du barrage de Mpanda a été dilapidé et s’est envolé. Kabu16 était aussi menacé. »
Ces propos reflètent une inquiétude concernant des pratiques de malversations, mais posent une question centrale : pourquoi ces acteurs ne sont-ils pas inquiétés ?
Malversations avérées : le cas du barrage de Mpanda
Les affirmations du président ne sont pas sans fondement. Le barrage hydroélectrique de Mpanda, dans la province de Bubanza, en est un exemple frappant. Ce projet, initié en 2011 et estimé à 84 milliards de francs burundais, connaît des retards majeurs et des fonds disparus. Lors d’une visite en octobre 2021, le président a constaté que les travaux, réalisés seulement à 47 %, avaient coûté près de 54 milliards de FBu – un montant jugé exorbitant pour l’avancement observé.
« Quand nous entendons la somme d’argent déjà débloquée pour les travaux réalisés, il est évident que les autorités en charge de ces travaux, en collaboration avec la société qui les a exécutés, ont commis une malversation. Il est inexplicable que celui qui est chargé d’exécuter un projet du gouvernement soit lui-même l’auteur de la mauvaise gestion des fonds », a-t-il déclaré, exigeant un rapport sur les blocages dans un délai de deux semaines.
Des discours en contradiction avec les faits
Le président Ndayishimiye a récemment destitué Albert Maniratunga, directeur de l’OTRACO, pour non-respect de ses directives. Par ailleurs, Côme Manirakiza, ancien ministre de l’Énergie impliqué dans la gestion problématique du barrage de Mpanda, circule librement et occupe actuellement un siège de député à l’Assemblée nationale.
Cette situation laisse perplexe : pourquoi certaines figures critiquées continuent-elles de bénéficier de responsabilités officielles ? Ces contradictions semblent éroder la crédibilité du président quant à sa volonté de réformer.
Rôle constitutionnel : des pouvoirs sans application ?
Selon les articles 96 et 108 de la Constitution du Burundi de 2018, le chef de l’État incarne l’unité nationale, veille au respect de la Constitution, et dispose de pouvoirs d’arbitrage pour garantir le fonctionnement régulier des institutions. Ces dispositions lui confèrent des moyens d’agir pour contrer les détournements de fonds publics. Le Parlement, pour sa part, est mandaté pour contrôler l’action gouvernementale.
Cependant, malgré ces pouvoirs constitutionnels, le président Ndayishimiye semble, aux yeux de nombreux Burundais, impuissant face aux malversations persistantes.
L’OLUCOME dénonce des discours sans actions
Jean Nduwimana, porte-parole de l’Observatoire de Lutte Contre la Corruption et les Malversations Économiques (OLUCOME), s’interroge sur le manque d’actions concrètes du président. Pour lui, ces dénonciations sans poursuites judiciaires décrédibilisent les intentions affichées par le chef de l’État.
« Il est insensé que le président continue à faire des déclarations alors qu’il pourrait agir. Nous observons même que des personnes destituées retrouvent des postes de responsabilité par décret », déclare Jean Nduwimana, suggérant que les déclarations présidentielles sur la corruption ne seraient que des paroles sans effet.
Conclusion
Face à ces révélations, les discours du chef de l’État apparaissent insuffisants. La gestion de l’État et la lutte contre la corruption semblent souffrir d’une mise en application des pouvoirs présidentiels, laissant les citoyens dans l’attente d’actions significatives. Le président dispose des moyens légaux pour éradiquer ces pratiques ; reste à voir si ses discours se traduiront un jour en actes concrets pour assainir l’administration publique.