Le Burundi a récemment refusé un prêt du FMI en raison d’une condition jugée inacceptable : la dévaluation de sa monnaie. Cette décision a suscité de vifs débats économiques. Était-ce un choix judicieux ou une erreur aux lourdes conséquences ?
Contexte
En février 2025, le gouvernement burundais a refusé un crédit de 261 millions de dollars américains proposé par le Fonds monétaire international (FMI). La condition imposée par l’institution était une nouvelle dévaluation du franc burundais (BIF) afin d’aligner son taux de change officiel sur celui du marché noir. Le président Évariste Ndayishimiye a qualifié cette exigence d’ « inacceptable », affirmant qu’une telle décision aggraverait l’inflation déjà très élevée, évaluée à 36 % en décembre 2024 selon la Banque de la République du Burundi (BRB).
Depuis le 18 janvier 2025, l’accord de facilité de crédit élargie, signé entre le Burundi et le FMI en juillet 2023, est devenu caduc. En conséquence, les quelque 200 millions de dollars restants n’ont pas été décaissés, ce qui a accentué la crise économique du pays, déjà marqué par une grave pénurie de devises et de carburant.
Mais cette décision de refuser la dévaluation était-elle justifiée ?
Qu’est-ce que la dévaluation monétaire ?
La dévaluation est une décision politique prise par un gouvernement ou une banque centrale pour abaisser le taux de change officiel de la monnaie nationale par rapport aux autres devises. Contrairement à une dépréciation, qui résulte de l’offre et de la demande sur le marché des changes, la dévaluation est une action délibérée.
Elle vise généralement à améliorer la compétitivité des exportations, à réduire le déficit commercial et à encourager la production locale en rendant les produits importés plus coûteux. Cependant, elle peut aussi stimuler l’inflation et réduire le pouvoir d’achat des consommateurs, surtout dans un pays fortement dépendant des importations comme le Burundi.
Le Burundi et la crise des devises
Le franc burundais a connu plusieurs dépréciations et dévaluations ces dernières années en raison de la raréfaction des devises sur le marché officiel. En 2024, la BRB a signalé une baisse drastique des réserves de change, liée à la forte demande en dollars pour financer les importations. En conséquence, un écart important s’est creusé entre le taux de change officiel et celui du marché noir, atteignant un facteur de 2,5.
Cette situation a alimenté la spéculation sur les devises et renforcé le marché noir, devenant la principale référence pour le taux de change. Selon l’Observatoire de Lutte contre la Corruption et les Malversations Économiques (OLOCUME), certains responsables burundais auraient tiré profit de cette disparité en spéculant sur le marché noir.
Les conséquences de l’absence de dévaluation
Le refus de dévaluer la monnaie a entraîné plusieurs effets négatifs :
- Aggravation de la pénurie de devises : Sans accès au financement du FMI, le pays peine à obtenir des devises nécessaires aux importations essentielles.
- Inflation persistante : La raréfaction des devises a fait grimper les prix des produits de première nécessité. En février 2024, le prix du riz importé avait augmenté de 35 % par rapport à l’année précédente, et celui du carburant de 50 %.
- Baisse du pouvoir d’achat : Plus de 70 % des Burundais vivent désormais sous le seuil de pauvreté, soit une augmentation de 10 % depuis 2023.
- Ralentissement économique : Le secteur manufacturier a enregistré une baisse de 25 % de sa production en 2024, entraînant une hausse du chômage à 20 %.
- Augmentation du déficit budgétaire : L’absence de dévaluation et le refus du crédit FMI ont entraîné une révision à la baisse du budget national, menant à l’annulation de plusieurs projets d’infrastructure.
Verdict : la décision de ne pas dévaluer était-elle pertinente ?
Si la dévaluation du BIF aurait pu apporter un soulagement temporaire en facilitant l’accès aux devises étrangères, elle n’aurait pas été une solution miracle. En l’absence de mesures d’accompagnement, comme un contrôle efficace de la spéculation sur les devises et une diversification des sources de revenus extérieurs, elle aurait pu aggraver l’inflation et accentuer les difficultés économiques du pays.
Toutefois, le maintien d’un écart important entre le taux de change officiel et celui du marché noir perpétue une économie de rente au profit de certains acteurs, au détriment de la population. Une stratégie de stabilisation monétaire et de transparence économique semble donc indispensable pour remédier à la crise actuelle.
Conclusion : La décision de refuser la dévaluation a évité une flambée immédiate des prix, mais elle n’a pas résolu la crise monétaire sous-jacente. Sans une réforme structurelle plus large, incluant une meilleure gestion des devises et une lutte contre la spéculation, l’économie burundaise risque de rester piégée dans un cercle vicieux d’inflation et de rareté monétaire.