Lors d’une interview accordée à France 24 le 30 avril 2025, le président burundais Évariste Ndayishimiye a affirmé que « le Burundi est parmi les meilleurs pays du monde qui luttent contre l’impunité ». Une déclaration qui tranche avec les évaluations internationales et les constats des organisations de défense des droits humains.
Au cours de l’entretien, le président Ndayishimiye a tenu à mettre en avant les efforts de son gouvernement dans la lutte contre l’impunité. Il a déclaré :
« Le Burundi est parmi les meilleurs pays du monde qui luttent contre l’impunité. »
Une affirmation qui suscite l’attention, d’autant qu’elle ne s’accompagne d’aucun chiffre ni exemple précis. Pour évaluer sa véracité, nous avons confronté cette déclaration à des données et analyses disponibles sur le Burundi.
Des classements internationaux peu favorables
Plusieurs indicateurs internationaux placent le Burundi dans une position préoccupante en matière de gouvernance, de transparence et de respect des droits fondamentaux :
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Transparency International, dans son Indice de perception de la corruption 2023, classe le Burundi 162e sur 180 pays, avec un score de 20/100. Ce classement traduit une forte perception de corruption et une faiblesse des mécanismes de redevabilité.
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Freedom House, dans son rapport Freedom in the World 2024, accorde au pays une note de 14/100, le qualifiant de « non libre ». Le rapport dénonce la restriction des libertés civiles et des droits politiques, ainsi que le contrôle quasi total exercé par les autorités.
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Selon ENACT, dans son Indice du crime organisé en Afrique 2023, le Burundi présente une gouvernance très faible face à la criminalité organisée, marquée par une impunité généralisée pour les responsables politiques et administratifs.
Ces données indiquent que, loin d’être exemplaire, le Burundi est plutôt perçu comme l’un des pays où l’impunité est systémique.
Une réalité de terrain inquiétante
Les témoignages et rapports d’ONG internationales confirment cette tendance. Amnesty International et l’Organisation mondiale contre la torture (OMCT) documentent régulièrement :
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des arrestations arbitraires,
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des disparitions forcées,
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des actes de torture,
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et des violences sexuelles, imputés à des agents de l’État ou à des membres de groupes affiliés, notamment la ligue des jeunes du parti au pouvoir (Imbonerakure).
Ces violations restent, dans la grande majorité des cas, impunies. Les auteurs présumés bénéficient souvent d’une protection judiciaire, ce qui rend difficile, voire impossible, toute poursuite. Des promesses de réforme ont été annoncées par les autorités, mais les résultats concrets demeurent très limités.
Une affirmation en contradiction avec les faits
La déclaration du président apparaît donc en décalage avec les observations disponibles. Être un leader mondial dans la lutte contre l’impunité implique l’existence de mécanismes judiciaires efficaces, indépendants et accessibles à tous, sans distinction. Ce n’est pas encore le cas au Burundi, où les institutions judiciaires manquent d’indépendance et où les abus commis par des acteurs étatiques restent rarement sanctionnés.
Conclusion : une déclaration infondée
L’affirmation du président Ndayishimiye selon laquelle le Burundi figure parmi les meilleurs pays dans la lutte contre l’impunité n’est pas étayée par les faits. Les données internationales et les rapports d’organisations indépendantes pointent au contraire une impunité persistante et structurelle, notamment pour les abus commis par les forces de sécurité et les proches du pouvoir.
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Photo : Le président Évariste Ndayishimiye lors de son interview sur France 24, le 30 avril 2025