En décembre 2024, le président Évariste Ndayishimiye a exigé une baisse des prix des produits alimentaires en accordant 15 jours à la ministre du Commerce pour agir. Trois mois plus tard, une ordonnance a été publiée. Pourtant, les prix observés sur les marchés dépassent largement les plafonds fixés. Que s’est-il réellement passé ? Analyse factuelle d’une politique qui peine à produire des résultats.
Le 27 décembre 2024, lors d’une émission publique, le président de la République, Évariste Ndayishimiye, a sommé la ministre du Commerce, Marie Chantal Nijimbere, de fixer dans un délai de 15 jours des prix clairs pour les produits alimentaires de base.
Mais deux mois plus tard, aucune mesure concrète n’avait été annoncée. C’est lors d’une séance de questions orales à l’Assemblée nationale que le député Pamphile Malayika a interpellé la ministre sur le non-respect de cette injonction présidentielle.
La réponse du ministère : une politique soumise aux lois du marché
En réponse, la ministre Nijimbere a affirmé que la régulation était en cours, mais devait se conformer au Code du commerce. Ce dernier précise que les prix doivent découler de la concurrence, donc dépendre des dynamiques d’offre et de demande.
Le gouvernement semblait ainsi s’orienter vers une régulation indirecte, guidée par les tendances du marché, plutôt qu’une fixation rigide et centralisée des prix.
Une ordonnance publiée, mais peu respectée
Le 27 mars 2025, trois mois après la déclaration du président, le ministère du Commerce a publié une ordonnance fixant les prix de plusieurs produits alimentaires. Cependant, les prix sur le marché ne suivent pas ces plafonds.
Voici un aperçu des écarts relevés au marché Cotebu :
Produit | Prix fixé par l’État (BIF) | Prix réel observé (BIF) |
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Riz blanc local | 4.000 – 5.000 | 5.500 – 6.000 |
Haricot local | 2.500 – 3.500 | 3.700 – 3.800 |
Petit pois sec local | 4.000 – 8.000 | ~11.000 |
Viande | 22.000 – 28.000 | ~34.000 |
Ces chiffres montrent un écart net entre les prix officiels et les prix pratiqués.
Ce que disent les commerçants : une mesure mal calibrée
Des commerçants interrogés à Cotebu critiquent l’approche gouvernementale. Selon eux :
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La régulation devrait commencer à la source, dès les zones d’approvisionnement.
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Les prix doivent refléter les coûts de production, les charges de transport, et la saisonnalité des récoltes.
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Une régulation centralisée et uniforme n’est ni réaliste ni applicable sur le terrain.
Ils pointent une déconnexion entre les décisions politiques et la réalité économique locale.
Bilan : échec partiel ou échec total ?
Les faits indiquent que la régulation des prix, bien que lancée avec fermeté, n’a pas atteint ses objectifs. Trois problèmes majeurs apparaissent :
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Absence de données précises sur les coûts réels
Le gouvernement semble avoir fixé des prix sans analyse rigoureuse des coûts de production. -
Méconnaissance de la logique de marché
En tentant de contrôler les prix par décret, l’État s’oppose à une économie régie par l’offre et la demande. Or, les produits comme le riz ou la viande dépendent de chaînes d’approvisionnement complexes. -
Un précédent qui se répète
En 2022 déjà, une tentative de fixer le prix de la viande à 11.000 BIF avait échoué. Deux ans plus tard, le scénario se répète, ce qui met en doute la capacité du gouvernement à appliquer ce type de régulation.
Verdict : la régulation gouvernementale des prix alimentaires a échoué dans sa mise en œuvre
Le gouvernement a bien publié une ordonnance, mais les prix sur les marchés n’ont pas baissé. L’écart entre les objectifs fixés et la réalité du terrain démontre un échec opérationnel de cette politique.
Les décisions ne tiennent pas suffisamment compte des dynamiques économiques locales et des contraintes structurelles. En l’absence de mesures d’accompagnement crédibles et d’un dialogue avec les acteurs du secteur, cette tentative de régulation s’avère peu efficace, voire contre-productive.