Depuis plusieurs mois, le Burundi traverse une pénurie de carburant persistante, qui perturbe profondément le quotidien des citoyens et l’activité économique du pays. Dans un contexte de frustrations croissantes, plusieurs responsables politiques ont avancé des explications très différentes, parfois même contradictoires.
Parmi les déclarations les plus frappantes figure celle du président de l’Assemblée nationale, Daniel Gélase Ndabirabe, qui affirme que le carburant est bien présent dans le pays, mais intentionnellement caché « dans des maisons ». Cette déclaration, largement commentée, soulève une question cruciale : s’agit-il d’un fait avéré ou d’une accusation sans fondement ?
Burundi Facts a analysé les principales affirmations liées à la pénurie de carburant, afin de distinguer ce qui est vrai de ce qui relève de la spéculation.
Affirmation 1 : « Le carburant existe, mais il est caché dans des maisons »
« Le carburant se trouve dans des maisons d’habitation […] La preuve en est que les gens continuent de circuler en véhicules. » — Daniel Gélase Ndabirabe, président de l’Assemblée nationale
Analyse :
À ce jour, le président de l’Assemblée nationale n’a fourni aucun élément concret pour étayer cette accusation. Aucun lieu, aucun nom, aucune preuve matérielle n’ont été présentés pour corroborer l’existence d’un stockage massif et illégal de carburant dans des domiciles privés.
La circulation continue de certains véhicules en période de pénurie peut s’expliquer par d’autres facteurs :
-
l’approvisionnement prioritaire de certains services essentiels (administration, sécurité, santé) ;
-
la revente de carburant au marché noir, souvent en provenance de sources officielles ou frontalières ;
-
les réserves personnelles de certains transporteurs privés ou entreprises.
Verdict : Accusation non fondée – Absence totale de preuves
Affirmation 2 : La population souffre gravement de la pénurie
« Il suffit de visiter le centre-ville pour voir des files interminables, des gens frappés par le soleil ou la pluie. » — Député Pamphile Malaika
Analyse :
Cette déclaration est largement corroborée par des observations de terrain, des témoignages citoyens et des reportages dans les médias burundais. Des files d’attente massives devant les stations-service, ainsi qu’un accès difficile aux transports en commun, sont devenus monnaie courante dans plusieurs localités.
Des images partagées sur les réseaux sociaux et reprises dans la presse locale montrent bien les longues attentes et les conditions difficiles que subissent de nombreux citoyens.
Verdict : Vrai – Faits largement documentés
Affirmation 3 : Le gouvernement mise sur l’exploitation minière pour résoudre la crise des devises
« Le seul moyen durable de résoudre le problème est d’attendre l’exploitation des minerais. » — Jérôme Niyonzima, porte-parole du gouvernement
Analyse :
Le Burundi dispose effectivement de ressources minières (nickel, terres rares, or) et plusieurs projets d’exploitation sont en cours de négociation ou de développement. Cependant, selon des économistes consultés par la presse burundaise, cette stratégie ne constitue pas une solution à court terme. La mise en production effective, les investissements en infrastructures, et les retours sur exportations nécessitent plusieurs années.
En outre, les revenus issus du secteur minier restent pour l’instant faibles en raison d’un cadre réglementaire encore instable et de partenariats étrangers non finalisés.
Verdict : Partiellement vrai – Perspective long terme, mais inefficace pour la crise actuelle
Conclusion
La pénurie de carburant qui frappe actuellement le Burundi est une réalité largement documentée et vécue au quotidien par la population. Les souffrances générées sont palpables, visibles, et dénoncées aussi bien par les citoyens que par certains députés.
En revanche, les accusations de dissimulation volontaire du carburant dans des habitations, portées par des hauts responsables comme le président de l’Assemblée nationale, ne s’appuient sur aucun élément vérifiable. En l’absence de preuves concrètes, elles relèvent davantage de la spéculation politique que de l’analyse factuelle.
Quant à la stratégie gouvernementale axée sur l’exploitation minière comme remède à la crise des devises, elle reste hypothétique à court terme. Aucun plan de réponse immédiate ou alternative concrète n’a encore été présenté pour sortir de l’impasse actuelle.
Face à cette situation, plusieurs voix, dont celle du député Agathon Rwasa, appellent à un débat national ouvert et à davantage de transparence sur les causes réelles et les pistes de sortie de cette crise énergétique.