À la suite de sa nomination à la tête de la Commission Nationale Indépendante des Droits de l’Homme (CNDH), Monseigneur Martin Blaise Nyaboho a multiplié les déclarations engageantes. Lors d’un atelier réunissant les acteurs de la chaîne pénale, c’était le 23 Aout 2025, il a affirmé sa détermination à défendre les droits des personnes privées de liberté, lutter contre la torture et améliorer les conditions de détention. Mais derrière ces déclarations rassurantes, plusieurs voix critiques s’interrogent sur la crédibilité de ces promesses.
Ancien représentant de l’Église anglicane du Burundi et responsable de la province de Makamba, Monseigneur Nyaboho n’est pas un novice en matière d’influence. Plusieurs témoignages recueillis par Burundi Facts le décrivent davantage comme un militant du CNDD-FDD que comme un défenseur indépendant des droits humains.
« Monseigneur Nyaboho s’est plusieurs fois affiché comme un militant actif du CNDD-FDD. Sa nomination est une récompense politique, pas une reconnaissance de ses compétences en droits humains », affirme un fidèle anglican qui a longtemps travaillé à ses côtés.
Cette proximité idéologique avec le pouvoir soulève donc des doutes sur la sincérité de ses engagements récents.
Une nomination issue d’un processus contesté
Pour Maître Lambert Nigarura, avocat et défenseur des droits humains, l’arrivée de Nyaboho à la présidence de la CNDH est le résultat d’un processus biaisé, marqué par l’éviction brutale de l’équipe dirigée par le Dr Vigny Nimuraba.
« Monseigneur Nyaboho n’a ni la bonne foi ni la volonté de changer les choses. Il a été placé là pour faire écran, pas pour défendre les droits humains. Son discours vise uniquement à endormir l’opinion publique et à couvrir les violations », déclare-t-il.
Et d’ajouter : « Il ne faut pas se laisser abuser par des visites de prisons ou des annonces de réformes judiciaires. »
Un signal adressé à Genève ?
Anschaire Nikoyagize, président de la Ligue Iteka, estime que cette nomination s’inscrit dans une stratégie internationale claire : améliorer l’image du gouvernement burundais à la veille de la session de septembre du Conseil des droits de l’homme de l’ONU. À cette occasion, le renouvellement du mandat du Rapporteur spécial sur le Burundi, Gaétan Zongo, sera en débat.
« C’est une nomination politique. Le gouvernement cherche à convaincre Genève qu’il y a du changement, afin de bloquer le renouvellement du mandat du Rapporteur spécial », explique-t-il.
Selon lui, même les déclarations de Nyaboho sur le désengorgement des prisons sont trompeuses : « Ces prisons sont pleines de prisonniers politiques. Comment peut-il plaider pour eux alors qu’il suit la ligne du pouvoir ? »
Entre discours et réalité : un fossé persistant
Les intentions affichées par Monseigneur Nyaboho – lutte contre la torture, accélération des procédures judiciaires, dialogue avec les magistrats – semblent louables. Pourtant, aucun plan concret n’a été présenté pour renforcer l’indépendance de la CNDH vis-à-vis de l’exécutif ou mettre fin aux détentions arbitraires.
De même, aucun mécanisme crédible de suivi ou d’évaluation n’a été proposé pour garantir la mise en œuvre de ces promesses.
Conclusion: des promesses sans garanties
À la lumière de son parcours, du contexte de sa nomination et des critiques exprimées, les engagements de Monseigneur Nyaboho apparaissent davantage comme une opération de relations publiques que comme une volonté de réforme profonde.
Dans un paysage politique dominé par le CNDD-FDD et marqué par le musellement des voix critiques, sa présidence à la CNDH semble davantage destinée à neutraliser les pressions internationales qu’à améliorer réellement la situation des droits humains au Burundi.
Sans actions tangibles, sans indépendance institutionnelle et sans volonté de s’attaquer aux violations systémiques, les promesses de Monseigneur Nyaboho risquent de rester un simple écran de fumée.
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Photo : Monseigneur Martin Nyaboho, président de la CNIDH, s’exprimant devant la presse. © DR