Le 19 juillet 2024, lors d’une visite en province de Ruyigi, le président du Burundi, Evariste Ndayishimiye, n’a pas mâché ses mots. « Les compagnies de télécommunications ne sont pas sérieuses », s’est-il indigné devant des élèves en camp de travail. Il a accusé les hauts cadres du ministère de la communication de négliger leurs obligations à cause de la corruption : « Ils ne peuvent pas mettre les compagnies de téléphonie mobile face à leurs obligations pour la simple raison qu’ils reçoivent des pots-de-vin », a-t-il martelé. Mais ces accusations tiennent-elles la route ?
La pénétration internet au Burundi est-elle vraiment faible ?
Vérification : vrai
Les chiffres confirment la faible connectivité. À la fin de 2021, le taux de pénétration internet au Burundi était de seulement 21,3 %, comme le révèle le rapport annuel de l’Agence de régulation et de contrôle des télécommunications (ARCT). Donatien Ndayishimiye, Directeur Général de Média Box, corrobore cette réalité : « On a la connexion internet la plus chère, la plus mauvaise aussi ». Il souligne l’ironie d’une situation où, malgré une infrastructure de fibre optique parmi les meilleures en Afrique et un réseau mobile de 3e et 4e génération, le Burundi reste en retard.
Les compagnies de téléphonie mobile ont-elles promis une couverture nationale ?
Vérification : vrai
Les publicités des compagnies téléphoniques ne laissent aucun doute : elles promettent une couverture internet nationale. « Elles nous promettent une couverture nationale, mais vous pouvez quitter la capitale politique jusqu’en province de Ruyigi sans aucune connexion », a affirmé le président Ndayishimiye.
À qui la faute ?
Le président pointe du doigt les hauts responsables du ministère de la communication, les accusant de corruption. Mais Anicet Niyongabo, ancien Directeur Général de la communication au sein de ce ministère, conteste cette version. Selon lui, la régulation des télécommunications relève de l’ARCT, un organe sous l’autorité de la présidence, et non du ministère. Une affirmation confirmée par Donatien Ndayishimiye, qui précise que le ministère de la communication n’a qu’un rôle politique, tandis que l’ARCT est chargé de garantir la qualité des services.
Les vrais obstacles à une meilleure connectivité
Donatien Ndayishimiye explique que le coût exorbitant du transport de la connexion, notamment entre Dar-es-Salam et Kabanga, constitue un frein majeur. Ce coût, combiné à une gestion inefficace et des infrastructures saturées, renchérit l’internet au Burundi par rapport aux autres pays de la région. De plus, la crise du carburant a aggravé la situation : sans électricité régulière, les antennes relais qui assurent la transmission mobile doivent fonctionner au carburant, aujourd’hui en pénurie, laissant ainsi des zones entières sans connexion.
La corruption est-elle vraiment responsable de la faible connectivité rurale au Burundi ?
Vérification : faux
Contrairement aux déclarations du président, la régulation des services télécoms est gérée par l’ARCT, sous l’autorité directe de la présidence, comme stipulé dans le décret-loi N°100/112 du 5 avril 2012. Le ministère de la communication ne fait qu’établir le cadre légal, tandis que l’ARCT veille à l’application des règles par les opérateurs.
Conclusion
Le gouvernement burundais doit garantir que la régulation soit rigoureuse et que le secteur des télécoms ne soit pas excessivement taxé. Alors que la connectivité reste faible avec un taux de pénétration de 21 %, d’autres pays de la région atteignent près de 50 %. Les opérateurs doivent non seulement investir, mais aussi entamer des discussions constructives avec l’État, le régulateur et l’opérateur technique pour alléger la charge fiscale sur le consommateur final, qui paie souvent pour un service défaillant.