À l’occasion de la célébration des 20 ans du CNDD-FDD au pouvoir, le secrétaire général du parti, Révérien Ndikuriyo, a salué le sacrifice des anciens combattants. Selon lui, leurs luttes et leurs morts auraient permis aux Burundais de « vivre » et de profiter des fruits de la démocratie. Mais derrière ce récit héroïque, les faits dressent un tableau bien différent : pauvreté persistante, promesses démocratiques non tenues et crise politique prolongée.
Devant les Imbonerakure, lors des festivités marquant deux décennies de pouvoir du CNDD-FDD, Révérien Ndikuriyo a ravivé le souvenir des combats armés. Il a cité l’exemple d’un combattant mort dans d’atroces souffrances, exhortant ses camarades à poursuivre la bataille pour que « les Burundais vivent heureux ». Pour Ndikuriyo, ces sacrifices auraient ouvert la voie à la survie et au bien-être du peuple.
Or, cette version héroïque de l’histoire ne résiste pas à l’examen des réalités actuelles.
Vingt ans plus tard : la promesse de bonheur s’est-elle réalisée ?
Le CNDD-FDD est arrivé au pouvoir en 2005. Mais les indicateurs sociaux et économiques montrent que l’amélioration du bien-être collectif est loin d’être atteinte.
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Pauvreté extrême : selon la Banque mondiale et le PNUD, le Burundi figure encore parmi les pays les plus pauvres du monde.
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Insécurité alimentaire : plus de 60 % de la population est en situation d’insuffisance alimentaire chronique.
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Chômage élevé : en particulier chez les jeunes, malgré les promesses répétées d’insertion.
Ces données contredisent l’idée que le « sacrifice » vanté par Ndikuriyo ait ouvert la voie à la prospérité.
La démocratie promise : un idéal trahi
Dans son discours, Ndikuriyo a aussi associé le sacrifice des combattants à l’instauration de la démocratie. Mais les faits racontent une autre réalité :
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Depuis 2015, le pays traverse une grave crise politique marquée par la répression des opposants, des journalistes et des activistes.
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Les élections sont régulièrement contestées pour irrégularités et soupçons de fraude.
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Les libertés publiques sont sévèrement restreintes, loin de l’idéal démocratique que le CNDD-FDD prétend défendre.
La référence à Nyangoma : un paradoxe
Dans son discours, Ndikuriyo a cité Léonard Nyangoma, fondateur du CNDD et initiateur de la lutte armée, comme celui à qui l’on réclamait « des armes plus puissantes ». Pourtant, aujourd’hui, Nyangoma vit en exil et n’est plus reconnu par le CNDD-FDD. Ce paradoxe illustre la manière sélective dont l’histoire est mobilisée pour servir le discours officiel du parti au pouvoir.
Un récit héroïque, mais une falsification politique
Présenter les sacrifices des combattants comme la source du bonheur actuel des Burundais revient à manipuler l’histoire récente. Certes, la lutte armée a contribué à la signature des Accords d’Arusha et à une alternance politique. Mais la promesse d’un Burundi pacifié, démocratique et prospère reste largement non réalisée.
Conclusion
Le discours de Révérien Ndikuriyo s’inscrit dans une stratégie de glorification du passé afin de légitimer le présent. Mais les réalités socio-économiques et politiques du pays montrent que l’affirmation selon laquelle « les Burundais vivent heureux grâce au sacrifice des combattants » est infondée.
Les faits démontrent que le chemin vers la prospérité, la démocratie et le respect des libertés reste encore long, malgré les vies perdues pour cet idéal.
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Photo : Révérien Ndikuriyo, secrétaire général du CNDD-FDD, rendant hommage aux anciens combattants, dont les sacrifices, selon lui, auraient permis aux Burundais de « vivre » et de goûter aux fruits de la démocratie.