Une vidéo reprenant les propos du Président Evariste Ndayishimiye qui affirme que le Burundi est le pays le plus riche du monde devient virale sur les réseaux sociaux. Parallèlement, un collectif des confessions religieuses lui donne raison dans une récente vidéo qui présente le Burundi comme un pays béni en passe de se développer grâce à une découverte supposée d’une mine d’or non exploitée. Cette prophétie ne reflète pas en rien la réalité sur le terrain. C’est du bluff. Les experts confirment qu’une grande partie de la population vit en dessous du seuil de la pauvreté malgré le potentiel économique.
Dans cette vidéo, le Président Évariste Ndayishimiye nie que le Burundi est pauvre: « Je ne veux pas que vous les jeunes, ignoriez pourquoi il y a tant de lamentations. Je veux que vous sachiez pourquoi le Burundi est considéré comme un pays pauvre alors que c’est le pays le plus riche du monde. Je dis toujours à mes interlocuteurs de parler du bien du pays, car c’est pays béni par Dieu. Le Burundi est le pays le plus riche, mais ce sont les Burundais qui montent au créneau pour déclarer que c’est le pays le plus pauvre ».
Le Chef de l’Etat a tenu ces propos devant en parterre de jeunes entrepreneurs de la mairie de Bujumbura rassemblés au stade Intwari. La vidéo qui circule sur les réseaux sociaux depuis une semaine est véritablement une ancienne vidéo qui a été republiée. La vidéo originale date du 31 août 2021. Le président faisait allusion aux ressources minières du pays sous-exploitées pour garantir aux jeunes un meilleur avenir en dépit des critiques virulentes qui fusent de partout sur la situation économique du pays. Il s’agit des extraits de son discours qui sort du contexte initial. Les internautes n’y prêtent pas attention et partagent comme si c’était une réaction de la plus haute autorité sur la détérioration continue des indicateurs macroéconomiques.
Le Burundi, un pays béni ?
Dans une vidéo récente, les membres des confessions religieuses accordent du crédit aux affirmations du Chef de l’Etat. Le week-end dernier, les religieux invités pour une croisade par un collectif des églises chrétiennes du Burundi affirment que Dieu a des beaux projets pour le Burundi, même la vision 2040-2060 serait une inspiration divine n’en déplaisent aux détracteurs du pays. Ils estiment qu’il n’y a pas de pauvreté au Burundi: « Ceux qui disent que les Burundais vivent dans l’extrême pauvreté ou que le Burundi est un pays pauvres veulent vous décourager».
Ces hommes de Dieu rejettent en bloc les contenus des rapports des organisations internationales qui placent les pays au rang des pays les pauvres arguant que le pays est une puissance économique en vue compte tenu du fait que les Burundais croient en Dieu et un peuple caractérisé par l’unité. Pour eux, la vision d’un pays développé et réalisable en un laps de temps. D’ailleurs, dans leur prophétie, ils annoncent la découverte des minerais d’or jusque-là cachées et des hydrocarbures enfuis dans le sol qui vont permettre aux Burundais de prospérer, a déclaré Aimé Pascal Nduwimana, représentant légal du Ministère de la Compassion MAC-BURUNDI.
Situation de la pauvreté au Burundi
Les rapports des institutions financières internationales et des organismes indépendants révèlent que le Burundi fait partie des pays les plus fragiles. L’Indice de Développement Humain (IDH) du pays est relativement bas, le plaçant parmi les plus pauvres du monde. Cette situation est exacerbée par les déséquilibres macroéconomique, selon les experts.
La pauvreté reste une triste réalité au Burundi. A l’échelle du pays, beaucoup de ménages vivent dans l’extrême pauvreté. Les résultats de l’Enquête Intégrée sur les Conditions de Vie des Ménages au Burundi (EICMB) montrent que 53,1% de la population sont pauvres. Les ménages ruraux (56,7%) au Burundi sont plus exposés aux risques d’être pauvres comparativement à ceux du milieu urbain, apprend-on du rapport de l’Institut National des Statistiques du Burundi (INSBU).
Dans ces conditions, manger à sa faim ou satisfaire les besoins primaires devient un luxe auquel tous les ménages ne peuvent se permettre. La famine couplée à la pauvreté influe sur les conditions de vies des ménages. Ce qui justifie la persistance de certains phénomène tels que la malnutrition aiguë, le décrochage scolaire et l’exode rural. D’où la présence des ONGs humanitaires dans plusieurs régions du pays et des programmes de développement de filets sociaux pour sortir les ménages de l’extrême pauvreté : cas du projet MERANKABANDI soutenu par la Banque Mondiale.
Pourquoi la persistance de la pauvreté au Burundi ?
D’après l’économiste André Nikwigize, le pays sombre dans une pauvreté sans précédent. Les causes de ce phénomène sont nterdépendantes ;
– La démographie galopante qui accentue la pression sur les ressources disponibles et les terres arables
– Faible redistribution des ressources financières: le gouvernement privilégie les dépenses publiques au détriment de l’investissement privé sauf si ce dernier ne profite qu’à certains dirigeants.
–Forte dépendance des financements extérieurs : le Burundi dépend très longtemps des aides extérieures et des exportations. En de gel des financements, le chaos économique s’installe,
–Un système éducatif inadapté aux besoins de développement national et la mauvaise gouvernance
Étant donne que les causes de la pauvreté au Burundi sont multi-sectorielles. Les réformes doivent être aussi multidimensionnelles. Il est indipensable d’intier des réformes immédiates qui répondent aux besoins des Burundais, conclut l’economiste Nikwize. Le professeur émérite Léonce Ndikumana abonde dans le même sens et affirme que le pays fait face a des déséquilibres macroéconomiques qui résultent a la fois des facteurs exogènes et internes. Pour lui, il n’y a de potion magique a la crise actuelle mais plutôt des réformes coordonnées qui touchent plusieurs domaines. A ceux qui croient aux miracles pour sauver le pays, il réplique: le fait de prier ne résoudra pas la crise. « Il faut travailler, il faut retrousser les manches. S’il vous plaît, Dieu nous aime tous, il ne va pas aider le Burundi plus que d’autres pays. Dieu aide ceux qui s’aident eux-mêmes. Le Burundi a besoin des experts qui maîtrisent l’exploitation des ressources naturelles qui peuvent négocier avec des compagnies étrangères ».
Verdict :
Non. Le Burundi n’est pas dans la catégorie des pays riches du monde et son développement devra être le fruit des réformes profondes sur le plan macroéconomique et de la gouvernance du pays selon les experts.
Les propos du chef de l’État relèvent purement et simplement du déni de la crise économique de la part de certaines autorités burundaises. Les richesses du sous-sol ne signifient pas nécessairement un développement économique d’un pays, sinon la République Démocratique du Congo (RDC) serait une grande puissance économique.
Conclusion
De telles affirmations sont en contradiction avec les priorités de développement inscrites au niveau du Plan National de Développement (PND) et la vision Burundi qui ciblent plusieurs secteurs avec un certain nombre d’indicateurs et des objectifs SMART. De surcroît, le pays ne peut pas compter uniquement sur l’industrie minière pour se développer à cause de la volatilité des cours des matières premières sur le marché international. Ceux qui avancent ce genre d’arguments se basent sur des affirmations gratuites sans aucune réflexion scientifique autour des sujets aussi complexe qu’est les déséquilibres macroéconomiques. C’est donc de la manipulation de la foi pour aspirer aux intérêts personnels.
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Photo : Le chef de l’Etat Evariste Ndayishimiye s’adresse aux jeunes entrepreneurs de la capitale économique © DR