Lors d’une réunion tenue en juin 2025 à Gitega, le président Évariste Ndayishimiye a affirmé que le CNDD-FDD est « l’unique parti de consensus à l’interne ». Une déclaration qui interpelle, tant les faits historiques et le fonctionnement du parti au pouvoir semblent contredire cette image. Entre exclusions brutales, absence de débats internes et gestion autoritaire, cette vérification revient sur les mécanismes réels à l’œuvre au sein du CNDD-FDD.
Lors d’une réunion d’évaluation électorale tenue à Gitega le 26 juin 2025, le président de la République Évariste Ndayishimiye a déclaré que « le CNDD-FDD est l’unique parti de consensus à l’interne ». Une affirmation qui, au regard du fonctionnement du parti au pouvoir et de son histoire récente, appelle à être vérifiée. Car si le mot « consensus » évoque un processus démocratique basé sur l’écoute, la délibération et la pluralité des opinions, les pratiques internes du CNDD-FDD semblent refléter une tout autre réalité.
Des tensions internes récurrentes
Depuis sa transformation en parti politique, le CNDD-FDD a été régulièrement secoué par des crises internes. Un épisode emblématique reste le limogeage spectaculaire d’Hussein Radjabu en 2007, alors président du parti. Accusé d’abus de pouvoir, Radjabu fut arrêté, exclu du parti, puis condamné. Cette éviction brutale, menée sans débat public ni médiation apparente, a révélé une ligne de conduite où l’exclusion semble primer sur la recherche de compromis.
Plus récemment, en 2020, des tensions profondes ont opposé Évariste Ndayishimiye à Alain-Guillaume Bunyoni, alors Premier ministre et figure influente du parti. L’éviction de ce dernier a exposé une fracture manifeste au sein des sphères dirigeantes. Loin d’un règlement fondé sur le dialogue, ces différends internes se sont soldés par des décisions autoritaires, ce qui va à l’encontre de la logique du consensus.
Une dynamique de pouvoir verticale et centralisée
Le CNDD-FDD est issu d’un mouvement armé. Il a gardé de cette origine une structure de pouvoir fortement hiérarchisée, reposant sur l’obéissance et la loyauté. Les organes décisionnels fonctionnent selon une logique de commandement descendant, avec une place marginale laissée au débat ou à la contestation. Des entités comme les Imbonerakure (la ligue des jeunes du parti) ou les anciens combattants jouent un rôle prépondérant dans la discipline interne et le contrôle de la base.
Les décisions majeures sont prises par un cercle restreint au sommet du parti, souvent sans consultation large des militants. Dans un tel système, la crainte de représailles – qu’elles soient politiques ou professionnelles – dissuade toute voix dissidente, rendant illusoire l’idée d’un véritable consensus.
Des processus de sélection verrouillés
La désignation du candidat à la présidentielle de 2020 illustre ce mode de fonctionnement. Le choix d’Évariste Ndayishimiye a été effectué à huis clos par le secrétariat exécutif national. Aucune alternative n’a été proposée, et le congrès du parti s’est limité à entériner cette décision sans débat ouvert. Ce processus fermé, dénué de compétition interne, reflète une stratégie de désignation par le haut, étrangère aux pratiques démocratiques internes.
Sous la présidence de feu Pierre Nkurunziza, cette centralisation du pouvoir était encore plus marquée. Les principales orientations politiques étaient décidées par un cercle restreint de généraux, parmi lesquels Pierre Nkurunziza lui-même, Adolphe Nshimirimana et Alain-Guillaume Bunyoni. Cette concentration des décisions entre les mains de quelques individus consolidait une logique d’autorité, loin des principes de concertation.
Un contrôle idéologique strict
Le fonctionnement interne du CNDD-FDD repose également sur une adhésion sans faille à la ligne idéologique du parti. La fidélité et l’obéissance priment sur les compétences ou les idées. Les cadres du parti sont choisis principalement en fonction de leur loyauté. Cette sélection par l’allégeance ferme la porte à la diversité des opinions, pourtant indispensable à l’émergence d’un consensus authentique.
Les discours, les comportements, et même les ambitions politiques sont strictement encadrés. Cette rigueur idéologique empêche toute dynamique de débat pluraliste à l’intérieur du parti et installe un climat de conformité qui étouffe les divergences.
Conclusion
L’affirmation du président Évariste Ndayishimiye selon laquelle le CNDD-FDD serait « l’unique parti de consensus à l’interne » ne résiste pas à l’examen des faits. L’histoire du parti montre au contraire un fonctionnement centralisé, fondé sur l’autorité et la discipline, où les décisions sont imposées par le sommet plutôt que co-construites avec la base. Les épisodes comme la destitution de Radjabu, l’éviction de Bunyoni, ou le choix imposé du candidat présidentiel en 2020 illustrent une gouvernance verticale et cloisonnée.
Le consensus suppose l’écoute, la diversité d’opinion, la discussion et le compromis. Or, tout indique que ces éléments sont peu présents dans le mode de gestion interne du CNDD-FDD. Ainsi, malgré les déclarations officielles, la réalité du parti au pouvoir reste éloignée des standards d’un fonctionnement démocratique fondé sur le consensus.
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Photo : Le président Évariste Ndayishimiye qui affirme que le CNDD-FDD serait « l’unique parti de consensus à l’interne ». © DR