Le gouvernement burundais maintient sa position : les soldats déployés en République démocratique du Congo (RDC) resteront sur place jusqu’à la fin de leur mission. Une déclaration réaffirmée le 15 juillet 2025 par le ministre de la Défense nationale, Alain Tribert Mutabazi, lors d’un point de presse. Pourtant, cette opération militaire suscite une vive controverse au Burundi, en particulier après les lourdes pertes enregistrées au Nord et au Sud-Kivu. Nous avons examiné les principales affirmations des autorités à la lumière des textes constitutionnels, des témoignages et des dynamiques régionales.
Affirmation 1 : « Les troupes burundaises sont déployées en RDC conformément à la loi »
Vérification : Faux
Le ministre Mutabazi a déclaré que les troupes burundaises sont en RDC « conformément à la loi et aux accords bilatéraux signés entre le Burundi et la RDC ».
Or, selon la Constitution du Burundi, notamment les articles 255 à 257, tout déploiement de forces à l’étranger doit faire l’objet d’une consultation des institutions compétentes et d’une information détaillée du Parlement précisant les raisons, la durée et le lieu de l’opération. Aucune preuve de cette procédure n’a été rendue publique.
L’absence de débat parlementaire ou d’acte officiel visible soulève un doute sérieux sur la légalité de ce déploiement. Le contournement de la procédure constitutionnelle affaiblit donc la crédibilité de l’argument juridique avancé par le gouvernement.
Affirmation 2 : « Les troupes burundaises œuvrent à la paix et à la satisfaction des populations locales »
Vérification : Contesté
Le ministre Mutabazi affirme que la présence militaire burundaise contribue à la paix et répond aux attentes des populations locales.
Dans les faits, l’armée burundaise combat aux côtés des Forces armées de la RDC (FARDC) et de plusieurs groupes armés congolais, notamment les Wazalendo, les Mai-Mai et les Forces démocratiques de libération du Rwanda (FDLR), qualifiées de groupe terroriste par plusieurs organisations.
Des rapports d’ONG documentent des exactions commises par ces groupes contre les civils, en particulier contre la communauté banyamulenge. Par effet d’association, l’armée burundaise est perçue par certains habitants comme impliquée dans ces violences.
Gratien Rukundikiza, ancien officier burundais, a mis en garde dans une interview sur la télévision Renaissance : « Quand une armée fréquente une milice, ce n’est pas la milice qui devient armée, c’est l’armée qui devient une milice. »
Irène Kamanzi, activiste de Bukavu et membre de l’organisation Isoko Europe, va plus loin : « Peut-on nous expliquer comment la satisfaction des populations a été mesurée ? Et en quoi les raisons du déploiement initial ont-elles été atteintes grâce aux actions des soldats burundais ? »
Elle rappelle que les accords entre le président burundais et son homologue congolais ne représentent pas les intérêts des populations locales, qui, selon elle, « n’ont ni besoin ni demandé l’intervention burundaise ».
Affirmation 3 : « Les troupes resteront en RDC tant que leur mission n’est pas terminée »
Vérification: À relativiser
Selon le ministre Mutabazi, la présence militaire se prolongera jusqu’à ce que les objectifs fixés soient atteints.
Cependant, les dernières évolutions diplomatiques indiquent une tendance inverse. Kinshasa a entamé des discussions avec l’Alliance du Fleuve Congo (AFC/M23), sous l’égide de l’Angola, de la Communauté d’Afrique de l’Est, du Qatar, puis des États-Unis.
Un accord a été signé le 27 juin 2025 entre Kinshasa et Kigali. S’il est mis en œuvre, un retrait des troupes étrangères est envisagé, ce qui inclut potentiellement le contingent burundais.
Il faut rappeler que le gouvernement burundais a longtemps nié l’implication de ses troupes dans les combats, évoquant d’abord une lutte contre le groupe armé Red Tabara, avant de se raviser et de parler de déploiement dans le cadre d’accords bilatéraux. Ce flou dans la communication renforce l’impression d’improvisation.
Conclusion
Aucune des trois affirmations officielles du gouvernement ne résiste totalement à l’examen des faits :
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Le déploiement militaire burundais en RDC ne respecte pas les exigences constitutionnelles de transparence et de consultation.
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L’armée burundaise est loin d’être perçue comme neutre ou bienveillante par toutes les populations locales, en raison de ses alliances sur le terrain.
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Le maintien des troupes dépendra moins de la volonté de Gitega que des évolutions diplomatiques en cours, susceptibles d’imposer un retrait anticipé.
Ce déploiement soulève donc de sérieuses questions sur sa légitimité, son efficacité et sa finalité réelle. Le gouvernement devra tôt ou tard rendre compte de cette opération devant le Parlement… et devant l’opinion.
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Photo : Le ministre de la Défense nationale et des Anciens combattants, Alain Tribert Mutabazi, lors de la présentation des réalisations du 4ᵉ trimestre de l’exercice budgétaire 2024-2025, ce mardi 15 juillet 2025. © Le Renouveau