Une photo montrant un militaire burundais lors du défilé du 1er juillet 2025, chaussé d’une botte prétendument trouée, a suscité de vives réactions sur les réseaux sociaux. Si l’image a été mal interprétée, elle a néanmoins ravivé un débat bien réel : celui de la gestion opaque et inégalitaire des équipements au sein des Forces de défense nationale (FDN).
À l’occasion du 63e anniversaire de l’indépendance du Burundi, le traditionnel défilé militaire organisé à Bujumbura a, comme chaque année, donné lieu à une importante couverture médiatique. Une photo en particulier a retenu l’attention : celle d’un soldat en pleine démonstration martiale, jambe levée devant les autorités.
D’abord saluée par certains internautes, l’image a été rapidement suivie d’une autre, montrant, selon plusieurs publications virales, la même botte dans un état de délabrement avancé. Le cliché a été abondamment partagé avec des commentaires critiques, pointant du doigt une gestion négligente de l’équipement des troupes.
Mais après vérification, cette interprétation ne tient pas. La photo originale, publiée par le service de communication de la Présidence sur le réseau X (voir ici), ne montre aucun signe de déchirure. Il s’agirait plutôt d’un effet d’ombre ou de mouvement, mal interprété par ceux qui ont relayé le cliché hors de son contexte.
Une journée très encadrée, mais pas nécessairement révélatrice du quotidien
Un militaire à la retraite contacté dans le cadre de ce fact-checking rappelle que la préparation du 1er juillet est soigneusement planifiée. « Les bataillons mobilisés pour le défilé s’entraînent pendant des semaines. En général, ceux qui défilent reçoivent des tenues neuves, ou du moins en bon état, car ce jour-là, il faut donner une image irréprochable », explique-t-il.
Mais cette exigence de présentation est loin de refléter la réalité quotidienne des troupes : « En dehors des événements officiels, certains soldats doivent composer avec des équipements usés, surtout ceux affectés dans des zones reculées ou hostiles. »
Il cite notamment les troupes stationnées dans la plaine de la Rukoko, qui reçoivent des bottes spécifiques appelées ingamira, censées résister à l’humidité constante de la région. « Ces équipements spécialisés existent, mais leur distribution reste inégale et opaque. »
Une logistique fragilisée par des pratiques douteuses
Le même ancien militaire dénonce une chaîne d’approvisionnement entachée par le clientélisme et la corruption : « Pour remporter un marché public de tenues militaires, il faut des connexions politiques solides. Des pots-de-vin sont fréquents. Cela impacte directement la qualité des tenues fournies, souvent contrefaites ou de mauvaise facture. »
Selon lui, la majorité des uniformes sont entreposés à la base militaire de Musaga, près du camp des parachutistes. Le magasin central y stocke différents types de tenues : de combat, d’exercice, ou encore les vestes commando destinées aux unités spécialisées.
Mais cette centralisation pose problème. Le système reste rigide, peu transparent et souvent inaccessible aux soldats eux-mêmes.
Des modèles alternatifs dans la région
Lors d’une mission en Somalie en 2012, cet ancien militaire a constaté des pratiques différentes au sein de l’armée ougandaise : « Les soldats y achètent eux-mêmes leurs tenues dans des magasins militaires ouverts au public. Un supplément est prévu dans leur solde pour cela. Et il est interdit de porter un uniforme abîmé. »
Un lieutenant burundais récemment formé au Kenya confirme cette approche : « Là-bas aussi, chaque militaire est responsable de son équipement. Cela limite les détournements et responsabilise chacun. »
Une polémique révélatrice d’un problème systémique
Même si la photo incriminée ne montre pas une botte trouée, la controverse qu’elle a suscitée n’est pas anodine. Elle traduit une défiance croissante à l’égard de la gestion des ressources au sein de l’armée burundaise, perçue comme peu transparente et sujette à des favoritismes.
En somme, le cliché mal interprété aura au moins eu le mérite d’attirer l’attention sur un sujet sensible, rarement abordé publiquement : la gestion des moyens matériels alloués à ceux qui sont en première ligne.
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Photo : Photo d’un militaire burundais prise lors du défilé du 1er juillet 2025, au centre d’une polémique en ligne en raison d’une botte supposée trouée. © DR