Les autorités burundaises présentent les élections législatives et communales du 5 juin 2025 comme un modèle de scrutin libre, transparent et apaisé. Cette échéance stratégique dans le calendrier politique national a mobilisé 6 013 498 électeurs appelés à départager 9 662 candidats. Le président de l’Assemblée nationale est allé jusqu’à parler d’une “élection modèle” pour la région. Mais une analyse plus approfondie montre un écart net entre le discours officiel et les réalités du terrain.
“Les élections étaient pluralistes” – À nuancer
Il est exact que plusieurs partis politiques et candidats indépendants ont pris part au scrutin. Rien que dans la province de Bujumbura, 19 partis ou coalitions et 10 indépendants figuraient sur les listes. Cette diversité apparente cache néanmoins d’importants déséquilibres.
Le CNDD-FDD, parti au pouvoir, est le seul à avoir pu valider ses listes dans tout le pays. Le cas emblématique reste l’exclusion d’Agathon Rwasa, leader de l’opposition CNL et arrivé deuxième à la présidentielle de 2020. Une scission interne, manifestement encouragée par le pouvoir, a conduit à l’invalidation de sa participation, ainsi que celle de plusieurs élus restés fidèles à lui.
“Le scrutin s’est déroulé dans la paix et la transparence” – Partiellement vrai
Il est vrai que le scrutin s’est déroulé dans un climat relativement calme, sans violence généralisée. Quelques incidents isolés ont été rapportés, comme l’arrestation de quatre électeurs pour destruction de bulletins, sans impact significatif à l’échelle nationale.
Mais sur le plan de la transparence, les conditions sont bien plus discutables. L’accès des médias a été sévèrement encadré : seule une “synergie nationale”, pilotée par le ministère de la Communication, a été autorisée à couvrir l’événement. Les contenus diffusés ont été filtrés en amont par une cellule comprenant des cadres gouvernementaux.
Aucun journaliste indépendant n’a eu accès au terrain électoral. Même les reporters accrédités ont été soumis à des restrictions strictes, notamment l’interdiction de filmer ou d’enregistrer les opérations de dépouillement.
Ce contrôle étroit du récit médiatique a largement empêché un travail journalistique autonome et critique.
Présence d’observateurs – Un bon point, mais sans transparence
Des missions d’observation, tant nationales qu’internationales, étaient présentes : l’Union africaine, la CIRGL, NP Suisse et la Confédération de Russie. Toutefois, à ce jour, aucun rapport d’observation détaillé n’a été rendu public concernant la régularité du scrutin.
Des irrégularités signalées par plusieurs partis
Le principal parti d’opposition, le CNL, dénonce de graves irrégularités : “Le secret du vote n’a pas été respecté. Certains électeurs ont été accompagnés dans l’isoloir et contraints de voter pour le CNDD-FDD. Nos observateurs ont été expulsés de plusieurs bureaux de vote. Des cas de votes multiples et de cartes d’électeurs confisquées ont été documentés. Des bulletins pré-remplis ont circulé.”
De son côté, la coalition Burundi Bwa Bose évoque sur X (ex-Twitter) des irrégularités “sans précédent”. Elle affirme compiler un rapport circonstancié et appelle la population au calme dans l’attente de ses conclusions.
Enfin, le parti UPRONA dénonce, lui aussi, plusieurs entorses : bourrage d’urnes, votes avant l’heure officielle d’ouverture, présence illégale de jeunes affiliés au CNDD-FDD dans les bureaux de vote, etc.
Conclusion : Une stabilité apparente, mais de sérieuses limites
L’absence de violences majeures est à saluer. Cependant, les nombreuses irrégularités signalées, le verrouillage de l’espace politique et le contrôle de l’information remettent en question les proclamations officielles de transparence et de pluralisme.
Le scrutin du 5 juin 2025, bien que pacifique en surface, s’est déroulé dans un cadre institutionnel verrouillé, une concurrence déséquilibrée et une opacité médiatique notable.
Autant de facteurs qui invitent à une lecture critique du processus électoral, au-delà des annonces officielles.
_______________________________________________
Photo : Un bureau de vote de la province de Buhumuza, ce 5 juin 2025. Manque de place pour les observateurs indépendants et les mandataires de l’opposition. Seul un mandataire identifié du CNDD-FDD (en tenue noire) était visible sur place © SOS Médias Burundi