Lors d’un rassemblement électoral, le président Evariste Ndayishimiye et le secrétaire général du CNDD-FDD, Révérien Ndikuriyo, ont affirmé que « les pays qui se sont développés se sont développés parce qu’il y avait un parti unique ». Cette déclaration repose-t-elle sur des faits ? Burundi Facts a vérifié.
Au cours du meeting électoral tenu à Bujumbura le 31 mai 2025, dans le cadre de la campagne pour les élections législatives et communales, le président Evariste Ndayishimiye et le secrétaire général du CNDD-FDD, Révérien Ndikuriyo, ont affirmé que « les pays qui se sont développés se sont développés parce qu’il y avait un parti unique ». Cette déclaration s’inscrit dans une rhétorique visant à valoriser la domination politique du CNDD-FDD, présenté comme garant de la stabilité nationale et, par extension, comme moteur supposé du développement économique.
le président Evariste Ndayishimiye pronant le monopartisme pendant le meeting électoral tenu à Bujumbura le 31 mai 2025
Une hégémonie politique installée depuis 2005
Le CNDD-FDD règne sur la scène politique burundaise depuis 2005. Né d’un mouvement armé actif durant la guerre civile (1993-2003), il s’est affirmé comme parti majoritaire à l’issue des accords de paix. Lors des législatives de 2020, il a obtenu 71 % des voix et 86 des 123 sièges de l’Assemblée nationale.
Bien que le multipartisme soit inscrit dans la Constitution post-guerre, la pratique politique reste fortement déséquilibrée. L’opposition a été affaiblie, notamment après la crise politique de 2015 marquée par la candidature controversée de Pierre Nkurunziza à un troisième mandat, qui a entraîné une vague de répression, des exils forcés et la suspension de l’aide budgétaire directe de l’Union européenne.
Un bilan économique peu flatteur
En dépit de deux décennies au pouvoir, le CNDD-FDD peine à démontrer que sa mainmise favorise réellement le développement. Le tableau économique est contrasté :
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Inflation élevée et pénuries chroniques de carburant ;
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Corruption généralisée, y compris dans les services publics ;
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Projets étatiques mal conçus ou abandonnés : barrage de Kajeke, programme d’élevage de lapins, initiative « Ewe Burundi Urambaye »… ;
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Secteur agricole sous-équipé, avec des difficultés persistantes d’accès aux engrais et aux semences.
Ces difficultés structurantes jettent un doute sur l’efficacité d’un système dominé par un seul parti.
Analyse : Le parti unique est-il une voie royale vers le développement ?
Certaines nations autoritaires comme la Chine ont connu des croissances économiques rapides sous un parti unique. Mais ces cas sont des exceptions, non des modèles universels.
La majorité des pays dits développés — États-Unis, Allemagne, Japon, Corée du Sud, Canada, etc. — s’appuient sur des institutions pluralistes, une presse libre, une justice indépendante et des contre-pouvoirs solides.
À l’inverse, les régimes à parti unique présentent souvent des caractéristiques problématiques :
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Répression des opposants politiques ;
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Atteintes aux droits humains ;
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Absence de transparence et d’obligation de rendre des comptes.
Au Burundi, des rapports récurrents d’Amnesty International, de Human Rights Watch et des Nations unies documentent l’intimidation des opposants, des arrestations arbitraires, et des restrictions aux libertés fondamentales, notamment celle d’association et de la presse.
Verdict : Affirmation trompeuse
L’idée selon laquelle le développement est mécaniquement lié à l’existence d’un parti unique est erronée. Aucun consensus académique ou institutionnel ne soutient cette théorie.
Le développement durable repose avant tout sur :
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Une gouvernance responsable ;
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Le respect des libertés publiques ;
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La diversité politique ;
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Une administration transparente ;
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Et une participation citoyenne réelle.
Le cas burundais, avec un parti dominant depuis 20 ans, illustre surtout les risques de stagnation et les dérapages autoritaires qui peuvent accompagner l’absence d’alternance et de débat démocratique.
Conclusion
Plutôt que de défendre un modèle politique fermé, les dirigeants burundais gagneraient à renforcer l’État de droit, encourager les contre-pouvoirs, et ouvrir un espace politique pluraliste. Le développement économique n’est pas une question de monopole politique, mais de réformes institutionnelles, de transparence, et de justice sociale.
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Photo : Le président Evariste Ndayishimiye lors du meeting électoral tenu à Bujumbura le 31 mai 2025