Dans un discours prononcé dans le cadre de la campagne législative du 5 juin 2025, le président burundais Évariste Ndayishimiye a affirmé que la question ethnique « appartient au passé ». Mais cette déclaration ne résiste pas à l’analyse des faits. La gestion politique et institutionnelle du pays montre que la variable ethnique reste bel et bien structurante.
Ce qu’a dit le président
Le 24 mai 2025, lors d’un meeting de campagne, le président Évariste Ndayishimiye a déclaré : « Personne n’aurait pu imaginer que la question ethnique appartiendrait un jour au passé. Qui aurait cru qu’un jour un Burundais ne se servirait plus de son origine ethnique pour avoir accès à certains avantages. »
Le chef de l’État attribue ce qu’il présente comme un progrès au CNDD-FDD, parti au pouvoir.
Ce que disent les faits
1. La Constitution prévoit toujours des quotas ethniques
La Constitution de 2018, toujours en vigueur, prévoit expressément une représentation ethnique dans les institutions :
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Article 128 : composition du gouvernement selon un quota de 60 % Hutu et 40 % Tutsi.
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Article 169 : équilibre ethnique et genre dans les institutions judiciaires.
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Article 164 : même principe pour le Sénat.
Ces dispositions traduisent un maintien formel de la variable ethnique dans l’organisation du pouvoir.
2. Les candidatures sont soumises à la déclaration d’ethnie
Pour les postes dans les commissions comme la Commission Vérité et Réconciliation, la CENI ou la CNIDH, les candidats doivent déclarer leur appartenance ethnique. Ce critère est également annoncé publiquement lors de la sélection finale.
3. Les concours d’accès sont affectés par l’ethnie
Dans des concours officiels (armée, police, faculté de médecine), des candidats mieux notés peuvent être écartés au profit d’autres, dans le but de respecter les quotas ethniques.
Des consultations en cours, mais sans réforme actée
En juillet 2023, le Sénat a entamé un processus d’évaluation des quotas ethniques à travers des consultations nationales. Les résultats n’ont pas été rendus publics à ce jour. Les positions exprimées restent partagées : certains estiment que le pays a dépassé les clivages ethniques, d’autres défendent les quotas comme garantie contre l’exclusion.
Des initiatives controversées du gouvernement
En février 2020, le ministre de l’Intérieur de l’époque, Pascal Barandagiye, a demandé aux organisations internationales de fournir la liste de leurs employés avec des précisions sur leur ethnie. Amnesty International avait exprimé son inquiétude, dénonçant l’absence de justification sur l’usage de ces données.
Une fiche similaire, envoyée en janvier 2022, sollicitait aussi les origines ethniques et géographiques des employés du public et des ONG, sans qu’aucune explication officielle ne soit donnée sur la finalité.
Conclusion
Les mécanismes de gestion ethnique sont toujours inscrits dans le droit et les pratiques institutionnelles du Burundi. L’affirmation du président Ndayishimiye selon laquelle la question ethnique est « du passé » ne correspond pas à la réalité des faits observables.
Verdict : Faux. La question ethnique reste bel et bien à l’agenda au Burundi.
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Photo : Le président burundais Évariste Ndayishimiye en meeting © SOS Médias Burundi