À l’approche des élections générales de 2025, des voix s’élèvent au Burundi pour dénoncer des règles électorales jugées inéquitables. Dieudonné Nahimana, candidat indépendant déclaré, affirme que le code électoral en vigueur pénalise les indépendants et favorise les partis établis, notamment le parti au pouvoir. Burundi Facts a vérifié trois aspects clés du code électoral : le seuil d’éligibilité, l’interdiction des coalitions d’indépendants et le montant des cautions électorales.
Allégation 1 : « Les candidats indépendants doivent obtenir 40 % des voix dans leur province, alors que les partis politiques n’ont besoin que de 2 % au niveau national. »
Vérification : VRAI
Fait : L’article 124 du Code électoral burundais stipule que « seules les listes de partis politiques ayant obtenu au moins 2 % des suffrages exprimés au niveau national sont éligibles à la répartition des sièges à l’Assemblée nationale ». En revanche, « les listes de candidats indépendants doivent avoir obtenu au moins 40 % des suffrages exprimés dans leur province » pour pouvoir prétendre à un siège.
Analyse : Cette différence de seuil est significative. Dans une province à 10 sièges, un candidat indépendant doit atteindre un score quasi-majoritaire, là où un parti pourrait décrocher plusieurs sièges avec une assise bien plus faible à l’échelle nationale. Ce seuil de 40 %, largement supérieur à celui imposé aux partis, constitue une barrière structurelle à la représentativité des indépendants, même populaires localement.
Conclusion : Les faits confirment l’existence d’un seuil d’éligibilité disproportionné qui défavorise clairement les indépendants par rapport aux partis politiques.
Allégation 2 : « Les coalitions d’indépendants sont interdites, et les anciens membres de partis doivent attendre jusqu’à deux ans avant de se présenter comme indépendants. »
Vérification : VRAI
Fait : L’article 128 du Code électoral interdit explicitement les coalitions d’indépendants, conformément à l’article 99 de la Constitution. Un candidat indépendant est défini comme « une personne ne se réclamant d’aucun parti politique depuis au moins un an ». De plus, un ancien membre d’un organe dirigeant d’un parti doit observer un délai de deux ans avant de se présenter en tant qu’indépendant.
Analyse : Ces dispositions limitent les possibilités d’organisation collective pour les indépendants et restreignent la mobilité politique des acteurs ayant quitté un parti. Pour les politistes Françoise Toyi et Stef Vandeginste, cette règle renforce la discipline interne des partis mais fragilise les droits politiques des citoyens en dehors du cadre partisan.
Droit international : L’article 19 de la Constitution burundaise accorde aux instruments internationaux relatifs aux droits de l’homme une valeur constitutionnelle. Certains analystes estiment que ces restrictions pourraient contrevenir à la liberté de participation politique garantie par ces textes.
Conclusion : L’interdiction des coalitions et les délais imposés aux anciens membres de partis réduisent significativement l’accès à la compétition électorale pour les non-alignés.
Allégation 3 : « Les cautions électorales ont été augmentées à un niveau dissuasif. »
Vérification : VRAI
Fait : L’article 135 du Code électoral de 2024 exige une caution de 2 000 000 BIF pour chaque candidat aux législatives, indépendamment de son affiliation politique.
Analyse : Cette mesure vise officiellement à « éviter les candidatures fantaisistes ». Toutefois, dans un contexte socio-économique difficile, ce montant élevé est perçu comme un filtre financier qui exclut les acteurs aux ressources limitées. Des membres de l’opposition et plusieurs observateurs y voient une stratégie pour réserver l’arène électorale aux partis bien financés.
Conséquence : Les « petits » partis émergents et les indépendants se trouvent pénalisés, incapables pour beaucoup de mobiliser cette somme.
Conclusion : La hausse des cautions constitue un frein financier réel pour les candidats ne bénéficiant pas d’un soutien structurel fort, comme les partis bien implantés.
Conclusion générale :
Un système électoral défavorable aux indépendants et aux partis émergents
Les trois dispositions vérifiées – le seuil électoral, l’interdiction des coalitions d’indépendants et le montant des cautions – révèlent une tendance structurelle du Code électoral burundais à restreindre l’accès aux scrutins pour les candidats indépendants et les formations politiques émergentes.
Bien que ces règles soient, pour la plupart, conformes à la Constitution nationale, elles posent question au regard des principes de pluralisme et d’équité démocratique, notamment tels que définis par les instruments internationaux de droits humains.
Il convient également de noter que le Code électoral de 2024 a été élaboré sans processus inclusif ouvert à toutes les parties prenantes politiques. Cette approche unilatérale alimente les critiques selon lesquelles le texte serait conçu pour pérenniser l’emprise du parti au pouvoir, au détriment d’une véritable compétition électorale.
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Photo : Des militants de différents partis politiques rassemblés dans le stade Ingoma à Gitega, le 9 mai 2025