Le 10 mai 2025, le député Jean-Baptiste Sindayigaya affirme avoir été victime d’une tentative d’enlèvement à Bujumbura. Tandis que le ministère de l’Intérieur parle d’une simple dispute entre chauffeurs ivres, les témoignages locaux évoquent une attaque ciblée menée par des agents présumés des services de renseignement. Burundi Facts a examiné les différentes versions pour démêler le vrai du faux.
Jean-Baptiste Sindayigaya, député représentant les communautés Batwa et élu de Kirundo, affirme avoir été attaqué alors qu’il rentrait de Mwaro. Selon son témoignage, une voiture sans plaques l’aurait intercepté près de la gare du Nord à Bujumbura. Quatre hommes armés, dont l’un portait une Kalachnikov, l’auraient violemment agressé, lui dérobant 500 000 FBu et son téléphone, avant de tenter de l’enlever.
Il dit avoir résisté à la tentative de rapt, aidé par les cris de passants alertant qu’un député était en train d’être enlevé.
Vérification : Des témoins confirment qu’une altercation violente a eu lieu. Toutefois, l’usage d’armes et la tentative d’enlèvement restent à confirmer de manière indépendante. L’identité des agresseurs n’a pas été établie, et aucun lien formel avec les services de sécurité n’a été apporté à ce stade.
La version officielle : une altercation entre chauffeurs
Dans une déclaration rapide, Pierre Nkwirikiye, porte-parole du ministère de l’Intérieur, a rejeté la version du député. Il parle d’une altercation entre plusieurs chauffeurs en état d’ébriété, survenue lorsqu’une ruelle étroite a provoqué un embouteillage entre cinq véhicules, dont celui du député. La police aurait été alertée par des riverains et serait intervenue pour calmer la situation.
Vérification : Cette version repose sur une reconstitution difficilement vérifiable. Aucun élément indépendant (témoins neutres, vidéos, constatations policières) ne permet de confirmer la présence d’alcool ou le nombre exact de véhicules impliqués. Aucune sanction administrative (amendes, arrestations) n’a été communiquée, ce qui interroge sur le sérieux de l’enquête.
Des témoins locaux contredisent la version du ministère
Des habitants de Kamenge, quartier proche du lieu de l’incident, contestent vigoureusement la version du ministère de l’Intérieur. Ils parlent d’une embuscade soigneusement planifiée, menée par des hommes qui semblaient connaître l’itinéraire du député. Plusieurs affirment que les agresseurs étaient des agents des services de renseignement, et que l’un d’eux serait connu pour avoir torturé par le passé.
Ils rapportent aussi qu’une camionnette blanche a barré brusquement la route au député, ce qui ne cadre pas avec l’hypothèse d’un simple embouteillage causé par des chauffeurs alcoolisés.
Vérification : Ces témoignages, bien qu’ils se recoupent, n’ont pas été confirmés par une enquête indépendante. Aucune preuve matérielle (images, enregistrement audio, identification des véhicules ou des suspects) ne permet de corroborer l’implication de membres des services de renseignement. Néanmoins, ces déclarations laissent entendre que l’agression pourrait avoir été préméditée.
Des incohérences dans la communication officielle
Plusieurs éléments fragilisent la crédibilité de la version fournie par le porte-parole du ministère de l’Intérieur :
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Cinq véhicules dans une ruelle étroite : Le scénario évoqué semble peu plausible, surtout l’idée que tous les conducteurs impliqués étaient ivres au même moment et au même endroit.
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Absence de sanctions : Aucune arrestation ni mesure administrative contre les chauffeurs supposés fautifs n’a été annoncée. Une omission inhabituelle dans un contexte d’ivresse au volant et de violence.
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Réaction confuse des forces de l’ordre : Bien que la police soit intervenue, aucune action concrète ne semble avoir été prise contre les agresseurs, selon les témoins. Cela soulève des questions sur la gestion de l’incident.
Vérification : Ces lacunes affaiblissent la version officielle et soulignent un besoin pressant d’éclaircissements. L’absence de transparence dans l’enquête mine la confiance du public.
Une hypothèse d’intimidation politique ?
Selon plusieurs proches du député et certains habitants, l’agression pourrait relever d’un acte d’intimidation à caractère politique. Jean-Baptiste Sindayigaya est perçu comme une voix indépendante au sein de l’Assemblée nationale, ce qui ferait de lui une cible potentielle pour des acteurs souhaitant réduire au silence les critiques internes.
Vérification : Ces allégations ne peuvent être vérifiées à ce stade. Aucune preuve ne permet de lier l’agression à une volonté politique ciblée. Cependant, dans le contexte politique actuel, où les tensions entre factions internes sont palpables, cette hypothèse ne peut être écartée sans enquête approfondie.
Conclusion : une affaire trouble, une enquête absente
L’agression présumée du député Sindayigaya reste entourée d’ombres. Si les témoignages évoquent une attaque ciblée et préméditée, les autorités, elles, maintiennent qu’il ne s’agissait que d’un malheureux accrochage entre chauffeurs. Mais les incohérences dans la version officielle, l’absence d’enquête publique et le silence des institutions sur les suites de l’incident alimentent la méfiance.
➡️ En l’absence de preuves tangibles et d’une enquête indépendante, aucune des deux versions ne peut être entièrement confirmée ou infirmée à ce jour. Le devoir de transparence reste entre les mains des autorités compétentes, qui devront faire la lumière sur cette affaire pour rétablir la confiance.
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Photo : Le député Jean Baptiste Sindayigaya qui a été victime d’ une tentative d’enlèvement dans la ville de Bujumbura le 10 mai 2025