Le rapport parlementaire sur la gestion financière de l’ANAGESSA met en lumière des anomalies budgétaires importantes. Cependant, une analyse approfondie des chiffres et des déclarations officielles révèle plusieurs incohérences troublantes. Burundi Facts vérifie ces affirmations pour faire toute la lumière sur cette affaire.
Le 27 février 2024, les ministres du Commerce, de l’Agriculture et de l’Élevage ont comparu devant les parlementaires à Kigobe pour discuter de la gestion des fonds publics alloués à l’Agence Nationale de Gestion du Stock de Sécurité Alimentaire (ANAGESSA). Une enquête menée par la commission permanente chargée des questions d’agriculture et d’élevage a mis en évidence des anomalies financières importantes. Cependant, une analyse minutieuse de ce rapport parlementaire révèle des contradictions et incohérences comptables préoccupantes. Burundi Facts passe en revue ces éléments pour vérifier la véracité des affirmations contenues dans ce rapport.
Des chiffres qui ne concordent pas
Le rapport indique que l’ANAGESSA a reçu un budget de 145,6 milliards de francs burundais pour l’année 2024, destiné principalement à la collecte et à la conservation du maïs. Il affirme que 134,9 milliards ont été dépensés, laissant un solde de 16,9 millions de francs burundais à la Banque de la République du Burundi (BRB). Toutefois, une simple soustraction révèle un écart inexpliqué de 10,7 milliards de francs burundais.
Vérification : Le rapport ne fournit aucune explication sur cet écart, ce qui alimente les soupçons de mauvaise gestion ou de détournement de fonds. En l’absence d’une justification claire, cette incohérence demeure un point critique.
Des dépenses excessives et illogiques
L’analyse des dépenses déclarées par l’ANAGESSA met en lumière plusieurs anomalies financières.
Le coût des sacs de conservation pose question. L’agence a initialement investi 1,6 milliard de francs burundais dans l’achat de sacs pour la conservation du maïs. Pourtant, le remplacement de quelques sacs endommagés a engendré une dépense supplémentaire de 1,5 milliard, soit presque le coût initial. Une telle dépense semble disproportionnée. À moins de détails précis sur la quantité et la nature des sacs remplacés, cette somme apparaît comme exagérée.
Les frais liés au transport et au stockage sont également problématiques. Les coûts de transport du maïs, incluant le carburant et les salaires du personnel, s’élèvent à 2,1 milliards de francs burundais. Pourtant, le stockage de l’ensemble de la production et la rémunération totale du personnel s’élèvent à 2,014 milliards. Il est surprenant que le transport d’une partie du maïs coûte plus cher que son stockage complet. Cet écart pourrait indiquer une surfacturation ou une gestion inefficace.
Autre anomalie, les frais bancaires anormalement élevés. L’ANAGESSA aurait payé 9,6 millions de francs burundais en frais bancaires, alors que les tarifs bancaires standards au Burundi varient généralement entre 5 000 et 10 000 francs burundais par mois. Pour une institution publique, domiciliée à la Banque Centrale, ces frais semblent exagérés. L’absence d’explication détaillée rend cette dépense suspecte.
Les incohérences dans la location des entrepôts sont tout aussi préoccupantes. L’ANAGESSA déclare avoir dépensé 205,7 millions de francs burundais pour la location d’entrepôts mais mentionne une dette supplémentaire de 9,9 milliards envers les bailleurs. Une telle différence entre le montant déclaré et les dettes impayées soulève des doutes sur la transparence des rapports financiers de l’agence.
Enfin, les achats à crédit non justifiés suscitent des interrogations. L’agence aurait acheté du matériel à crédit pour près de 9 milliards de francs burundais sans que la commission parlementaire ne vérifie la nature de ces acquisitions. Cette absence de contrôle sur des montants aussi élevés laisse planer des doutes sur l’usage réel des fonds.
Conclusion
Plutôt que d’apporter des clarifications, le rapport parlementaire sur l’ANAGESSA soulève davantage de questions. Les incohérences chiffrées, les dépenses excessives et l’absence de justification détaillée témoignent d’un manque de transparence dans la gestion des fonds publics. Face à ces contradictions, des investigations plus approfondies sont nécessaires pour éclaircir la gestion financière de l’agence.